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Calendrier du bicentenaire DelacroixA Rouen, Delacroix le débutant croise le galop mature de Géricault, idole de la nouvelle vague d’alors et natif des lieux. Delacroix prendra du feu sur l’emportement créateur de ce jeune maître. Déjà, dans ses toiles où des chevaux ruent et se mordent, une grande brosse se lève. A côté, des oeuvres d’inspiration littéraire, dessins, aquarelles, lithographies, dont celles de la suite de Faust. Son pinceau (quand ce n’est pas pointe ou burin) trempé dans le verbe romantique – Byron, Goethe, Chateaubriand, voire Dante – déchire l’espace-plan, complote, soulève sa vision. Et son travail ne sent jamais la littérature ! Nulle saillie du détail – chien qui aboie, lumière sous la porte -, mais des sillons en clair-obscur qui tissent le drame. Dans les dessins  » à la pierre  » – on pense au Faust, également montré en la galerie Mazarine, à la Bibliothèque nationale – une présence vibrante d’aimant, de séduction équivoque, de beauté diabolique, anime les personnages, aux faces curieusement allongées à l’instar des oreilles de Belzébuth. On a là, en un mouvement laminé, un élan capturé qui signifie à merveille le patient travail de persuasion de l’instigateur maudit. Il y a aussi dessins et aquarelles du voyage au Maroc, en 1832. On les trouve disséminés un peu partout.

Le patient travail de persuasion de l’instigateur maudit

A Rouen, donc, mais également à Chantilly, au Grand Palais, à la Bibliothèque nationale, au musée de Bayonne… Delacroix alors n’écrit plus, le carnet se substitue au journal. La notation est objective, le rythme sûr, le détail vestimentaire précis. Babouches et turbans, sarouals et tissus nacrés, brillants. Il n’est pas rare de voir divers croquis, exécutés à échelles variables, sur une même feuille. »C’est que, confie Delacroix à un ami, il faudrait avoir vingt bras et quarante-huit heures par journée pour faire passer et donner une idée de tout cela « . Ce voyage – heureux concours de circonstances – redonne au peintre l’énergie chromatique qu’il commençait de perdre. Tanger, c’est le choc. La couleur, cette  » fête de l’oeil « , l’exalte, dénoue sa main, libère le vermillon, le vert Véronèse, l’ocre brun ou le jaune. Mais c’est encore, écho de la mémoire d’école, des scènes antiques qu’il trouve à chaque coin de rue. N’est-on pas là, dit-il,  » comme au temps d’Homère  » ? Peu de résonances de cette période au musée Furstenberg, ultime demeure de Delacroix avec son atelier en contrebas. L’amitié occupe les lieux, celle de Villot, dilettante cultivé, ardent défenseur de l’aquatinte, technique taquinée par Delacroix. Des lettres, donc, signifient par menus signes une affection sur le tard maltraitée. Car Villot, nommé en 1848, conservateur des peintures du Louvre, s’engage dans une campagne de restauration contestée en haut lieu. Delacroix, à la plume aigre, note dans son journal:  » Le grand Véronèse, que ce malheureux Villot a tué sous lui. » Des eaux-fortes de Villot également. De médiocre facture. Et puis posée sur le secrétaire du général Aupick, la photographie de Baudelaire. Cruauté des donations. L’ensemble déçoit plus qu’il ne captive, si ce n’est, en fin de parcours, la visite de l’atelier de Delacroix, vaste pièce parquetée, noyée dans une lumière d’aquatinte, où l’on peut contempler la Mort de Sardanapale, exacte réplique de l’oeuvre du Louvre, escortée d’une de ses premières esquisses. Salutaire confrontation, qui permet de goûter à plein aux tâtonnements de l’artiste. C’est surtout à la Bibliothèque nationale que l’exposition  » Delacroix et le trait romantique  » déploie des joyaux, de loin les plus précieux. On a là des caricatures, injustement dépréciées par le peintre, des lithographies du Faust de Goethe, mais aussi d’Hamlet, des scènes animalières; gravures, dessins, lithographies et aquatintes magistrales que l’on dévore de l’oeil avec un vif désir d’appropriation. Les lithographies, parfois confrontées aux répliques de contemporains de l’artiste, accrochent le noir et blanc en griffures vivaces, comme de la limaille de fer sous une pression magnétique. Le tout bruit du mouvement, d’une tension lumineuse thésaurisée en sillons. Goethe ne disait-il pas, de son Faust interprété par Delacroix, qu’ » il dépassait sa propre vision  » ?

Calendrier du bicentenaire Delacroix

 » Delacroix, le trait romantique « , à la Bibliothèque nationale de France, jusqu’au 12 juillet. » Delacroix ou la naissance d’un nouveau romantisme « , au musée des Beaux-Arts de Rouen, jusqu’au 15 juillet. » Eugène Delacroix dans les collections du musée Condé « , à Chantilly, jusqu’au 20 juillet. » Delacroix en Touraine « , musée des Beaux-Arts de Tours, du 15 mai au 31 juillet. » Delacroix et Villot. Le roman d’une amitié « , au musée Delacroix, Paris, jusqu’au 31 juillet. » Chopin et George Sand « , au musée du Louvre, jusqu’au 1er juin. Eugène Delacroix, dessins et aquarelles « , au musée Bonnat de Bayonne, u 3 juillet au 28 septembre. » La Bataille de Taillebourg « , au musée du Château de Versailles, du 16 novembre 1998 au 16 février 1999. Enfin, la maison natale de Delacroix, à Saint-Maurice, dans le Val-de-Marne, fait l’objet d’une reconstitution historique jusqu’au 28 juin.

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