Festival de Saint-Denis

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Variations autour d’un festival Dans l’abondant programme du Festival de Saint-Denis, une curiosité musicale: Mozart l’Egyptien. Une rencontre entre le raffinement de la musique du Viennois et celui de la musique orientale. Cet Orient qui fascinait Mozart et qu’on retrouve, notamment, dans la Flûte enchantée. Récit de ce rendez-vous magique.

Et si Mozart était un Egyptien…il serait un grand magicien, sa musique serait certes brillante et colorée. Si le compositeur autrichien du XVIIIe siècle devait par un tour de magie vivre aujourd’hui dans notre société, serait-il resté à étudier dans un conservatoire de musique ou aurait-il traversé les mers pour découvrir des rythmes et des visages inconnus ? Telles sont les questions d’un compositeur autodidacte et grand voyageur, Hughes de Courson, qui, avec le Quatuor Ivan Peev et l’Orchestre symphonique de Radio Sofia, organise un étonnant mariage, celui de Mozart avec la musique orientale. Parce qu’il n’y a justement pas de point commun entre les oeuvres de Mozart et les airs de l’Orient, que l’on ne peut utiliser de techniques ou de formules préétablies pour cette rencontre. Seul, l’instinct ici guide l’aventure.

Quand un musicien ex-baba-cool rencontre des bergers poètes

Parfois, des noms d’opéra (Thamos Roi d’Egypte, la Flûte enchantée) comme point de départ pour certains arrangements fort séduisants, ont ainsi enflammé l’imagination de Teg, Nasredine Dalil, Hughes de Courson. D’autres pièces commencent, comme la plupart des airs arabes par un  » Taqsim « , une sorte d’improvisation, et lentement, les musiciens du Nil s’approchent du thème de l’Enlèvement au sérail. Bien que cette rencontre soit soyeusement préparée, le choc est immédiat. D’une gamme arabe dans un mode mineur, surgit le célèbre thème dans un langage tonal. Il s’agit alors d’un véritable jeu d’écoute, jeu de reconnaissance dans un délicieux voyage entre l’Orient et l’Occident où l’on aime se perdre.

Pour honorer le docteur Albert Schweitzer qui fonda au siècle dernier l’hôpital pour lépreux de Lambaréné, au Gabon, on passa, hâtivement, à Hughes de Courson une commande. L’idée lui vint de marier dans une même pièce musicale Bach, compositeur joué et admiré du médecin français d’origine alsacienne, avec les rythmes effrénés de l’Afrique. Notre arrangeur de rencontres décide de continuer l’aventure quelques années plus tard au Caire. Dans un taxi une conversation avec son ami Ahmed Al Maghreby les conduit ainsi à cette autre idée acrobatique, Mozart l’Egyptien. Ensemble, ils ont cherché à dialoguer avec un répertoire très ancien, les chansons et musiques de tradition o- rale exécutées par les instruments les plus archaïques. Des interprètes prestigieux comme le violoniste Mostafa Ahd Aziz, les Musiciens du Nil, d’autres musiciens talentueux mais absolument inconnus car poètes de l’âme et bergers de profession, ils se sont tous rendus à ce rendez-vous. Ces musiciens égyptiens, la plupart ne connaissant pas Mozart, n’auraient cependant jamais improvisé spontanément sur le Quatuor en Fa ou l’aria de Papageno, si Hughes de Courson et Ahmed Al Maghreby n’avaient joué le rôle d’intermédiaires.

De l’aspect visuel et festif au côté magique et spirituel

Le projet fut méticuleusement préparé. C’est en cela que l’on ne peut pas parler véritablement de  » musique métissée « . Celle-ci serait le résultat d’un mélange, d’un croisement naturel, or il s’agit bien ici d’un mariage arrangé. Néanmoins  » mon âme est fondamentalement métissée « , avoue Hughes de Courson. Les compositions de ce musicien autodidacte sont en effet le fruit des confrontations de cultures éloignées, de styles opposés, de voyages insensés. Il n’y a pas de frontière entre la musique savante occidentale et les chansons de traditions orales arabes, à condition de ne vouloir nuire ni à l’une ni à l’autre. » J’aime travailler avec les musiciens « , ajoute-t-il, et il se lance dans le récit, avec force détails, des étonnements de chacun lors des auditions, de certaines hésitations et des premiers échanges. Tous conscients de vivre alors une expérience unique, la rencontre s’est transformée en une grande fête de jubilation. Ex-baba-cool de l’après-Mai-68, Hughes de Courson reçut une bourse de six ans du ministère des Affaires étrangères qui lui a permis de voyager essentiellement autour du bassin méditerranéen. Il n’a eu de cesse de comprendre, d’apprendre et d’étudier les instruments du Caire, du Yémen ou encore de la Syrie afin de déchiffrer les complexités de ces musiques. Aussi, l’attitude quelque peu ethnocentrique de certains musiciens de formation classique l’agace-t-elle profondément. Mozart l’Egyptien ne se veut pas pour autant une pure provocation musicale. C’est en quelque sorte sa manière de se réconcilier avec la musique classique occidentale et surtout sa façon de saluer le génie de Mozart. De même, il veut nous mettre en garde contre le phénomène de mode pour la World Music, nommée autrefois musique traditionnelle ou folk: la vulgariser serait une lourde erreur car elle doit s’écouter avec tout le respect qu’elle mérite. Le spectacle qu’on verra à Saint-Denis sera créé le 5 juillet prochain à l’Opéra de Marseille et sera diffusé dans la ville sur écrans géants. Le Festival de Marseille, qui le produit, mettra l’accent sur l’aspect visuel et festif de cette rencontre tandis que le Festival de Saint-Denis l’axera davantage sur le côté magique et spirituel. Mozart l’Egyptien propose là un merveilleux voyage à travers les cultures.

Mozart l’Egyptien, une rencontre de Mozart et de la musique orientale, sur une idée de Hughes de Courson et de Ahmed Al Maghreby, Basilique de Saint-Denis, le 7 juillet à 20 h 30. Renseignements et réservations: 01 48 13 06 07. Festival Saint-Denis, 6 place de la Légion d’Honneur, 93 200 Saint-Denis.

Variations autour d’un festival

1998, année sportive et festive, à laquelle le directeur artistique, Jean-Pierre Le Pavec propose une programmation multicolore et variée. Du 11 juin au 12 juillet, le festival de musique et de danse oriente sa programmation sur deux créations du metteur en scène américain Robert Wilson, Saints and Singing (9 représentations à la MC 93 de Bobigny-voir ci-contre l’article de Raymonde Temkine), une opérette composée avec les atmosphères musicales de Hans Peter Kuhn et Wings on Rock (six représentations au Théâtre Gérard-Philipe), d’après un conte féerique inspiré du Petit Prince et de Parsifal. Création également du nouveau spectacle Triton et les petites tritures du chorégraphe Pascal Decouflé, sous un chapiteau aménagé pour le festival, au Square Casanova de Saint-Denis (du 19 juin au 12 juillet). C’est aussi l’occasion de retrouver le répertoire classique dans la Basilique: Mozart interprété par Christophe Rousset, Te Deum de Berlioz dirigé par Charles Dutoit et la Symphonie n°10 de Malher par James Conlon. Le festival invite deux stars, Barbara Hendricks, une habituée, qui interprétera des oeuvres de Debussy et Ravel, et José Van Dam pour les lieder de Schumann. Une palette sonore variée favorise aussi des rencontres de différents styles de musique. Le répertoire classique cherche alors à dialoguer avec le jazz, avec la Suite pour orchestre de jazz n° 2 de Chostakovitch et Un Américain à Paris de Gershwin, interprétés par l’Orchestre national d’Ile-de-France, Dee Dee Bridgewater et son trio sous la direction de Jacques Mercier à L’Auditorium du Parc (voir article ci-contre), et la Messe (télévisée en Eurovision, le 12 juillet, jour de la finale de la Coupe du monde de football !) par le Choeur de Soweto, viendront animer un festival décidément très vivant. Et, encore, un projet placé sous l’autorité artistique de Jacques Weber emmènera les spectateurs à travers la littérature et la musique vers 32 pays participant à la Coupe du Monde de football. Le festival de Saint -Denis invite vivement à voyager par l’originalité de ses choix et de sa programmation.n C. W.

Renseignements et réservations: 01 48 13 06 07. Festival Saint-Denis, 6 place de la Légion d’Honneur 93200 Saint-Denis.

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