Partie prenante du Front de gauche, Ensemble! prône le rassemblement pour la présidentielle 2017, mais se heurte à l’éparpillement des forces au sein de la gauche radicale. Et entre ralliement à Mélenchon ou position d’attente, les militants sont divisés.
Dans la galaxie de la gauche de la gauche, Ensemble! – composante du Front de gauche, fait figure d’exception. Ce petit mouvement qui revendique presqu’autant de militants et d’adhérents qu’EE-LV ou le Parti de gauche aurait pu faire émerger, lui aussi, une candidature pour rassembler en vue de l’échéance présidentielle. Que nenni. Le week-end dernier, alors que se tenait le comité national du mouvement, de nombreux débats ont eu lieu, sans fixer pour le moment une ligne claire. Et pour cause.
Alors que le mouvement est unifié sur la stratégie de large rassemblement de la gauche de transformation sociale et écologiste, la situation politique d’atomisation des forces qu’Ensemble! voulait rassembler rend la tâche stratégique plus complexe. Jean-Luc Mélenchon est candidat, en campagne, et s’est installé dans le paysage politique comme leader de la gauche d’alternative. Le PCF ne suit pas pour autant, mais ne tranche rien pour l’instant. Quant aux frondeurs, ils sont embarqués dans la primaire du PS. Et EE-LV fait bande à part avec sa primaire. Comment alors faire l’unité sans partenaires ? Quelle stratégie adopter pour la présidentielle dans ce contexte ?
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La quête d’une alternative majoritaire à gauche
Les militants d’Ensemble cherchent toujours et encore la voie. Il y a ceux qui souhaitent rallier tout de go et sans préalable la candidature de Jean-Luc Mélenchon – nombreux parmi eux ont d’ailleurs déjà rejoint les Insoumis. Il y a ceux qui plaident pour un soutien à Mélenchon, mais loin de toute logique de ralliement et en plaidant en faveur d’un cadre de campagne unitaire – position notamment défendue en interne par Clémentine Autain. Il y a ceux encore qui pensent qu’il est urgent d’attendre avant de faire un choix – comprendre urgent d’attendre la ligne qui sera fixée par le PCF, tout en attendant un signe d’ouverture (espéré, sinon attendu) de Mélenchon. Il y a enfin ceux qui ne veulent pas entendre parler de l’élection présidentielle de mai 2017.
La force d’Ensemble! tient précisément dans sa volonté de rassembler ceux et celles qui, à gauche, s’opposent à la politique du gouvernement. Un rassemblement, non seulement pour porter une alternative de transformation sociale et écologique, mais aussi pour être majoritaire à gauche. « Quelles que soient les options qui seront privilégiées, malgré les divergences, le comité national doit porter ce message de rassemblement. C’est notre ADN et nous devons le préserver, c’est notre force. Nous ne pouvons pas nous permettre de mettre en danger notre mouvement », insiste Myriam Martin, l’une des porte-parole d’Ensemble! qui ajoute « nous sommes les garants de l’unité nécessaire ».
Pour autant, elle n’apparait pas hostile à l’idée d’un soutien à Jean-Luc Mélenchon. « D’ailleurs, dit-elle, même s’il y aurait pu y avoir d’autres personnalités légitimes, je ne vois pas aujourd’hui quelle autre candidature nous pourrions soutenir. Mais il faut créer les conditions d’un large rassemblement autour de lui. Et pour cela, Jean-Luc Mélenchon doit s’ouvrir et tenir compte des sensibilités de chacun, ce qui a fait notre force en 2012. »
Échapper au piège de la présidentielle
Même son de cloche pour ceux qui considèrent qu’il est urgent d’attendre. L’enjeu, ça n’est pas nécessairement 2017, mais ce qui se passera au-delà de cette échéance, à gauche. Pour Roland Merieux, membre de l’équipe d’animation d’Ensemble!, « on ne peut pas se dédouaner de la question de la présidentielle. Mais il faut bien reconnaitre qu’elle est un piège pour nous. Nous devons rassembler ceux qui se sont mobilisés contre la Loi El Khomri ou sur la déchéance de la nationalité, et leur proposer un programme d’urgence sur la base de l’Appel des cent » [[Lancé le 1er mai dernier, cet appel « Ensemble, favoriser l’irruption citoyenne pour construire l’alternative » est signé par des universitaires, des artistes, des syndicalistes, des militant-e-s associatif(ve)s et citoyen-ne-s, des élu-e-s et responsables politiques (socialistes, écologistes, communistes, Ensemble, République et socialisme, Front de gauche…) ».]].
Et de poursuivre : « Fin décembre, début janvier, peut-être que nous devrons faire un choix, mais aujourd’hui, l’enjeu face à la catastrophe qui s’annonce avec la division et la multiplication des candidatures, c’est de tout faire pour que nous ayons un unique candidat face au camp gouvernemental qui se dit de gauche ». Merieux n’exclut pas non plus que ce candidat puisse être Jean-Luc Mélenchon, mais un débat sérieux sur le fond et la forme de la campagne doit très vite s’engager : « l’objectif visé reste celui d’une candidature unitaire de rupture avec le social-libéralisme », ajoute-t-il.
Parce qu’au-delà de la pure stratégie, sur le fond, Mélenchon ne fait pas l’unanimité. Ces derniers temps, il en a même agacé plus d’un : « Sur les travailleurs détachés, les migrants, le souverainisme, le populisme de gauche, l’Ukraine, Poutine, nous ne sommes plus sur la même ligne qu’en 2012. Je ne dis pas qu’il a jeté à l’eau le programme de L’Humain d’abord, mais il propose aujourd’hui un projet de refondation du mouvement progressiste qui n’est pas le nôtre », poursuit Francis Sitel, membre d’Ensemble.
En attendant Mélenchon
Enfin, pour Raphaël Qnouch, signataire de l’appel des militants d’Ensemble soutenant la candidature de Jean-Luc Mélenchon, pas de doute : « L’heure n’est plus à attendre et à tergiverser, mais à agir et rassembler dans la clarté. Une primaire de toute la gauche est une impasse pour notre camp, car nous n’avons rien de commun avec Valls, Macron ou Hollande. A contrario, la candidature de Jean Luc Mélenchon est un premier pas concret pour rassembler tous ceux qui ne se résignent pas ».
Une position que de nombreux autres adhérents considèrent un peu précipitée : « on n’est pas là pour adouber les uns ou les autres, on est là pour construire une dynamique à vocation majoritaire », insiste Francis Sitel. Si le rôle d’Ensemble « reste modeste » selon Myriam Martin, « la décision qui sera prise par les militants appelés à voter dans les semaines qui viennent aura un impact important sur l’ensemble des sympathisants de notre gauche ».
Parallèlement, le 15 octobre prochain, les Insoumis seront réunis à Lille pour leur convention nationale de la France Insoumise. Il y sera notamment question du projet politique. Jean-Luc Mélenchon y prononcera un discours très attendu par ses ex – futurs ? – alliés. Parmi eux, nombreux croisent les doigts pour qu’il donne enfin des signes d’apaisement et d’ouverture en faveur de ses partenaires historiques.


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