La politique du moins pire, dernier recours d’un PS sans bilan ni projet

moins-pire-obs.jpg

Vendre le bilan du gouvernement étant aussi aventureux qu’en appeler à « la gauche », la majorité en est réduite à faire peur avec le spectre de la droite. Les socialistes flottent, sans idées, dans le néant politique qu’ils ont créé.

La contre-offensive était programmée, même s’il s’agit moins d’être à l’attaque que de sauvegarder ce qui peut encore l’être. À un an de l’élection présidentielle, le gouvernement et le Parti socialiste allaient nécessairement organiser une tentative de reconquête électorale, reposant sur deux volets : l’impossible défense du bilan et, faute de mieux, le chantage à la droite.

Dépôt de bilan

D’abord la défense du bilan, à présenter comme « pas si catastrophique » pour l’ensemble de l’électorat, et « pas autant fait de reniements que ça » pour sa composante de gauche. Sur Europe 1, lundi 16 mai, François Hollande a axé son discours sur le pragmatisme – ce succédané de courage politique – auquel il a dû se résoudre face à une conjoncture à la fois contraire et en partie imprévisible. C’est oublier que les capitulations ont été immédiates, en particulier face à Angela Merkel sur le pacte de stabilité, et ont amorcé une litanie d’autres renoncements sans combat[[Taxation des transactions financières, réforme bancaire, enfoncement de la Grèce, secret des affaires, traité transatlantique, évasion fiscale, etc. pour ne mentionner que les plus en contradiction avec le discours du Bourget.]]. La liste des mesures pouvant passer pour « de gauche » étant aussi peu parlante que possible, et ayant essentiellement consisté en des aménagements mineurs, l’exercice est difficile[[Surtout quand il ne semble pas à l’ordre du jour de mettre en avant le mariage pour tous, seule mesure courageuse mais dont le prix politique aura été élevé et dont la nature « sociétale » ne rehausse pas le bilan économique et social.]].

Pour faire avaler les couleuvres de l’austérité, l’exécutif comptait sur une reprise économique qui aurait permis de présenter des chiffres plus flatteurs (ne serait-ce que l’inversion de la courbe du chômage), mais qui reste hypothétique à ce jour et sera de toute façon trop tardive. Pas quoi accréditer le « Ça va mieux » présidentiel… « Les bons chiffres nous ont permis d’engager la deuxième phase du quinquennat. Après le redressement, la redistribution », a assuré le président. Ne restent en réalité que quelques ficelles à actionner, minces et grossières à la fois, comme le bonus accordés aux professeurs des écoles. La soumission à l’orthodoxie budgétaire ne laisse de toute façon que des marges excessivement étroites.

La fiction de « la gauche »

S’agissant d’avoir l’air « quand même de gauche », malgré les lois Macron et El Khomri en particulier, la majorité actuelle est d’autant plus dans l’embarras qu’elle ne sait plus du tout ce que cela signifie. Aussi la seule réponse qu’elle mobilise relève-t-elle de la communication. « L’exécutif [est] en quête d’un discours de « gauche » », comme l’a signifié le titre d’un article du Monde. Les conseillers ont élaboré diverses opérations de marketing politique dont les appellations puériles ne masquent pas la vacuité : « Hé oh la gauche » ou « Du progrès en plus ».

La ligne stratégique n’est même pas très claire. D’un côté, il s’agirait de réactiver le clivage droite-gauche, de donner des gages à la gauche restée de gauche, de rabâcher la fiction de « la gauche » et du « rassemblement » : « Si nous voulons la gauche au pouvoir, il faudra être rassemblé », a dit le président. De l’autre, les appels du pied vers le centre et la droite se multiplient – conséquence logique de la droitisation de l’exécutif sous Manuel Valls et de l’indifférenciation politique menée par François Hollande (et sa créature Emmanuel Macron).

Au secours, « Au secours, la droite revient » revient

Alors, puisqu’il est aussi difficile de se prétendre de gauche que de proposer un projet original, une solution consiste à convoquer le spectre de la droite (une droite que le pouvoir aura contribué à radicaliser en adoptant ses vues et ses solutions). Et revoilà la vieille recette de la campagne de 1986 : « Au secours, la droite revient », ce triomphe de la politique communicationnelle à la Séguéla. Aujourd’hui, elle consiste à diaboliser les politiques libérales que l’on a contribué à banaliser. La posture est diligemment adoptée par les médias qui soutiennent encore ce PS éviscéré, à l’image de L’Obs avec sa une de la semaine dernière ou cet éditorial[[Autre illustration avec les propos du secrétaire d’État aux Transports Alain Vidalies, sur France Info le 20 mai: « Je dis aux syndicats : « Vous pouvez garder les banderoles sur la remise en cause du droit du travail parce que vous pourrez les opposer au programme de la droite » ».]]

moins-pire-obs.jpg

En substance, « Ce sera pire avec la droite ». Même si les différences se sont considérablement estompées entre le gauche et la droite de gouvernement, admettons que ce n’est pas faux, et que ce ressort usé a encore des chances de fonctionner malgré l’écœurement croissant au sein de la gauche radicale. D’autant que la menace est à double fond, avec le risque d’un « nouveau 21 avril » et l’épouvantail du FN. Au passage, on est prié de passer outre la responsabilité du PS et du gouvernement dans la position de force acquise par le parti de Marine Le Pen.

(Ne) voter pour rien

Nous voilà donc invités à opter pour la politique du moins pire. Un choix par défaut – défaut au sens de défection – qui exprime le néant de la proposition du PS. Il faut voter pour éviter quelque chose, plus du tout pour un projet, des aspirations, des valeurs positives, des mesures de transformation. Il n’est même plus possible de faire semblant d’y croire, d’être volontairement un peu dupe. L’offre est désespérante, et elle ne peut que renforcer l’abstention ou le vote frontiste, mais ce calcul électoral peut quand même réussir, à la faveur du « tripartisme », d’un énième chantage, de promesses déjà trahies auxquelles les candides qui votent encore voudront bien croire.

C’est aussi cette logique qui pourrait permettre au PS de se survivre, malgré son incohérence et ses contradictions idéologiques. Seul son éclatement permettrait de renouer avec un projet politique véritablement progressiste, démocratique et social. Mais il faudrait accepter que ce projet n’ait aucune chance de l’emporter à court terme, lui laisser le temps de reconquérir une hégémonie culturelle et de construire une alternative de gouvernement. À rebours de la position présidentielle, qui place la volonté de conserver le pouvoir au-dessus du projet : « Il n’y a pas d’alternative de gauche dans la mesure où il n’y a pas de possibilité d’être au second tour sans notre soutien ».

don_insert.png

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *