Espagne : Podemos et IU vers une alliance de la gauche radicale

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Sans coalition crédible et donc sans gouvernement, l’Espagne est de retour à la case élections, le 26 juin. À gauche, Podemos et Izquierda Unida viennent d’annoncer un accord pour concourir ensemble. Une alliance susceptible de changer complètement la donne.

Au royaume d’Espagne, depuis le 20 décembre et les dernières élections législatives, c’est un « bordel sans nom », pour reprendre la fine analyse de l’éditorialiste du Monde Arnaud Leparmentier. Et les partisans de l’austérité et du TINA ne sont pas au bout de leurs peines avec la démocratie parlementaire espagnole.
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Le Parti populaire (PP) est seul, impuissant. Le Parti socialiste (PSOE) a fait le choix d’un pacte avec la formation de centre-droit Ciudadanos, empêchant ainsi toute possibilité de coalition avec sa gauche. Et à gauche, justement, Podemos n’avait pas la force suffisante pour être plus qu’un grain de sable dans le mécanisme du bipartisme (lire « Sans accord, l’Espagne va vers de nouvelles élections »). Résultat : nos voisins ibériques vont retourner aux urnes le 26 juin prochain.

Sauf que depuis, la gauche dite radicale a tiré quelques leçons. S’il est l’incarnation de la révolte démocratique, Podemos ne suffit pas pour prétendre changer le système de l’intérieur. C’est donc dans une logique de conquête que Podemos et Izquierda Unida ont acté, lundi 9 mai, une alliance pour le deuxième round législatif. Un « pré-accord » que leurs militants respectifs doivent approuver ces 10 et 11 mai.

Ensemble pour gagner

En plus des alliés régionaux de Podemos, Equo, le parti écologiste, s’est aussi rangé derrière ce grand rassemblement. Une « candidature d’unité populaire », c’est exactement ce qu’il s’était produit à Madrid et à Barcelone, où la gauche politique, syndicale et associative s’était unie pour gagner les élections, défiant ainsi tous les pronostics. Mais jusqu’à présent, Podemos ne souhaitait pas appliquer cette stratégie à l’échelle nationale.

Il y a peu, ni Pablo Iglesias ni Alberto Garzon (IU) n’auraient accepté d’aller aux élections législatives sous d’autres couleurs que les leurs. La portée de cet accord entre Podemos et Izquierda Unida serait bien plus que symbolique. Depuis quelque temps, les sondages (dont on connaît le peu de goût pour la radicalité) donnent Podemos seul en baisse, alors qu’en cas d’alliance avec IU, le résultat serait significativement positif, supérieur à celui du PSOE en voix et potentiellement en sièges. Un sondage JM&A pour Publico suggère une inversion du rapport de forces entre 2015 et 2016 avec 92 députés pour Podemos-IU contre 72 au PSOE, alors que l’assemblée actuelle leur en attribue respectivement 71 et 90.

Malgré le moindre poids des socialistes, une majorité absolue de gauche est désormais à portée de main, même si le pire scénario reste ouvert : une grande coalition PP-PSOE (avec l’appui de Ciudadanos si nécessaire).

Vers une véritable alternative ?

Après l’échec de Pedro Sanchez, et malgré une droitisation avérée, Podemos continue à tendre la main au leader du PSOE. Ce dernier devra faire face à une forte opposition au sein de son parti, notamment de la part de son aile droite. Car une coalition PSOE-gauche radicale impliquerait entre autres de résoudre l’épineux problème catalan. Les socialistes restent en effet fermement opposés à céder la moindre once d’indépendance à la Catalogne, là où Podemos a besoin du soutien des partis régionalistes…

Pablo Iglesias aime utiliser la saga Game of Thrones pour illustrer la complexité du jeu politique. Pour autant et n’en déplaise aux éditocrates, l’Espagne n’est pas ingouvernable. Nos voisins sont en réalité confrontés à un problème assez commun en Europe : une alternance complaisante entre conservateurs et sociaux-démocrates, une politique austéritaire « sans alternative » et une caste qui jouit d’une totale impunité (sauf exception pour l’exemple).

C’est tout ce système que rejettent les Espagnols. Et malgré un logiciel de désignation des représentants du peuple périmé, malgré un vieux monde qui s’accroche à ses ruines, la « transition démocratique espagnole » est toujours en court. Nous assistons simplement à une nouvelle étape de celle-ci. Celle où la démocratie resurgit pour dire « non ». Si les socialistes ne le comprennent pas, il est probable qu’ils ne feront pas partie de l’alternative.

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