Avec DiEM25, Varoufakis veut refonder l’utopie européenne

À Berlin, Yanis Varoufakis a lancé le mouvement DiEM25 pour combattre l’échec de l’UE et fédérer une nouvelle génération capable de refonder un rêve politique pour le continent.

Incontestablement, Yanis Varoufakis aime les symboles. Il l’a encore prouvé le 9 février. Dans le « salon rouge » de la Volksbühne, littéralement la « scène du peuple », un des théâtres les plus fameux de l’ex-Berlin Est, l’ex-ministre grec des Finances a lancé DiEM2025 (Democracy in Europe Movement). Cette initiative paneuropéenne se veut, explique-t-il, « réellement horizontale » (lire aussi Yanis Varoufakis : « Nous voulons démocratiser l’Union européenne »). Lui qui a résisté à l’ordolibéralisme allemand pendant ses six mois au sein du gouvernement grec est venu parler de la nécessité d’un nouvel ordre européen dans ce lieu historique de la gauche allemande, connu entre autres pour son rôle lors de la révolution pacifique de 1989 dans l’ex-RDA.

L’urgence d’une refondation

Une nouvelle « révolution » est-elle alors en marche, un « tournant » visant à se débarrasser de l’oppression bruxelloise ? Il est trop tôt pour l’affirmer, explique en substance Yanis Varoufakis au lendemain du rendez-vous (entretien à paraître dans Regards trimestriel). Il reconnaît que ce mouvement « pourrait échouer », mais pour lui, « il n’existe pas d’alternative ».

Le mot, d’ailleurs, est souvent questionné par les participants au cours des trois conférences qui se sont enchaînées pendant la journée. Une des causes de ce manque de politiques alternatives : les institutions européennes, régulièrement prises pour cible lors des conférences. Et la critique a été renouvelée lors de la soirée de lancement, au cours de laquelle se sont exprimés, trois heures durant, des intervenants aussi divers que des philosophes – le Croate Srećko Horvat et le Slovène Slavoj Žižek –, des personnalités politiques comme l’Allemande Katja Kipping (Die Linke), la Française Cécile Duflot (Les Verts) ou le Danois Rasmus Nordqvist (Les Alternatifs), mais aussi des syndicalistes comme Hans-Jürgen Urban (IGMetall) ou encore une représentante allemand de Blockupy, pour n’en citer que quelques-uns.

Le devoir de l’utopie

Aux yeux de tous, le moment est crucial. S’il n’y a pas des changements fondamentaux au sein de l’UE, le projet européen court droit à la catastrophe. Guest star présent par écran interposé, l’activiste Julian Assage a ainsi expliqué : « Après la deuxième guerre mondiale, il y avait le rêve de ce que l’Europe pourrait être. Ce rêve a été perdu. » Plus tôt dans la journée, le tonitruant ex-ministre grec des Finances avait estimé que l’UE doit se refonder… ou elle mourra. Après elle, le chaos. « Une désintégration de l’UE susciterait un effondrement ressemblant terriblement à ce qui s’est passé dans les années 30 » avec l’arrivée des nazis au pouvoir, pronostique-t-il. Et d’enfoncer le clou un peu plus tard, micro en main :

« Je dis à mes amis communistes, ou de gauche, qui pensent que le retour à l’État-nation serait une solution qu’ils se trompent. À chaque fois que l’histoire a emprunté cette voie, le résultat fut catastrophique. C’est systématiquement le fascisme qui l’emporte ».

Ou encore, l’économiste iconoclaste expliquait dans une de ces formules dont il a le secret :

« La volonté de changer l’Europe est peut-être utopique, mais c’est un devoir que d’essayer. Sinon, la plus sévère des dystopies [contre-utopie, NDLR] surviendra : celle connue dans les années 1930 ».

Refaire le pari de l’Europe

« Fédérer » des citoyens et de personnalités aux parcours et idées politiques potentiellement divergentes, mais ayant tous un point commun : être démocrate. Telle est l’ambition formulée pour inverser le mouvement. C’est toutefois sur ce point qu’émerge une première critique. Lors de la longue soirée de lancement, des personnalités se sont succédées à la tribune… mais les citoyens n’ont eu que peu accès à la parole. « C’est un processus en construction », explique Julien Bayou. Le jeune écolo, en tout cas, soutient l’initiative

« Personne au monde n’aurait plus de raisons d’être anti-européen que Varoufakis. Mais quand il se donne les moyens de démocratiser l’Europe à l’horizon de dix ans, je signe des deux mains ».

Pour le porte-parole d’Europe Ecologie-Les Verts, la démocratisation de l’UE est l’affaire de la jeune génération :

« Une l’a construite, l’autre doit participer à la sauver alors qu’elle est prise entre les tirs croisés de la social-démocratie qui la tue à petit feu, l’extrême droite qui veut la tuer, et une partie de la gauche qui devient eurosceptique ».

Le repli national n’est, en tout cas, pas l’option de Katja Kipping. « Nous avons besoin de plus d’Europe, pas de moins, pour résoudre les questions qui se posent à l’humanité », a-t-elle déclaré à la tribune. Avant de s’en prendre au néolibéralisme et à appeler à une « Europe sociale ». Une nouvelle utopie européenne est-elle en marche ? DiEM25 a en tout cas montré, à la Volksbühne, qu’il veut vivre l’instant européen… en le changeant fondamentalement.

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