EELV en option décroissance

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Plombé par ses dissensions, ses incohérences et ses défections, le parti écologiste a perdu la formule qui lui avait assuré une place importante dans le paysage politique. Au point que son existence elle-même semble désormais menacée.

Depuis des années, les écologistes français nous ont habitué à presque tout mais, surtout, il faut bien le reconnaître, au pire : intrigues picrocholines, révolutions de palais, chicaneries, appétit de pouvoir quasi inégalé dans son caractère ostentatoire le plus brut, le tout pour des réalisations écologiques de basse intensité – pour ne pas dire souvent inexistantes.

Ce spectacle récurrent, revivifiant le pire de la IVe République, est en voie d’achèvement tant la crise qui traverse EELV depuis cet été pourrait bien avoir un caractère définitif. Car c’est bien l’existence même du parti écologiste qui paraît désormais menacée

Les rois du pétrole

Avec talent, les écologistes ont longtemps semblé détenir la martingale électorale. Alliés fidèles du Parti socialiste, ils ont bénéficié à plein de la capacité de ce dernier à distribuer postes, prébendes et circonscriptions. Le PS a su récompenser les personnalités écologistes les plus méritantes d’un mandat de sénateur – Jean-Vincent Placé après Dominique Voynet sont les plus connus. Mieux, l’accord négocié entre Cécile Duflot et Martine Aubry, alors première secrétaire du PS pour les élections législatives de 2012, a permis, pour la première fois, de constituer un groupe écologiste de dix-huit membres à l’Assemblée nationale. Seules les mauvaises langues, perfides voire fielleuses, pourraient croire qu’au delà des convictions écologistes de la maire de Lille, il y avait aussi un marché pour la primaire socialiste.

Car en réalité, EELV, en tout cas sa direction, n’a jamais été bien dérangeante pour tout ce qui fait le miel des politiques libérales. Européens béats, ils ont été des artisans belliqueux du « oui » de tous les traités. Discrets sur les restructurations industrielles et plus généralement sur la plupart des questions sociales, ils ont su, en revanche, défendre avec âpreté le cadre de vie de tous ceux qui ne paient pas la crise. Si, si, il y en a, il suffit de se rapprocher des centres-villes. Halte là, me dira-t-on ! Mauvaise foi caractérisée et non, l’écolo barbu des années 80 n’est pas l’ancêtre du hipster gentrifié. Bien sûr, toute règle souffre ses exceptions et quelqu’un comme Noël Mamère ne relève pas d’un tableau ainsi brossé. La preuve, d’ailleurs, c’est qu’il a quitté ce bateau ivre depuis plus de deux ans.

Tout en étant d’indéfectibles alliés du PS, les écologistes ont su surfer sur les préoccupations écologiques croissantes d’une partie de la population. Attentif à leur label bio, EELV n’a eu de cesse, contre toute évidence, de clamer qu’elle était l’unique détentrice de la dimension écolo dans le paysage politique français – avec un certain succès, il faut le reconnaître.
Mais c’était le bon temps.

Plus dure est la chute

La force et la limite de EELV est d’avoir été l’expression politique d’une galaxie écologiste extrêmement diverse. Si l’on excepte le cas particulier des courants de la décroissance et les scories marquées à droite comme Cap21, EELV avait réussi à hégémoniser toute la mouvance écolo et sa multiplicité d’associations. Une hétérogénéité qui, telle une publicité d’Évian, se voyait tant à l’extérieur qu’à l’intérieur du parti. Il n’est pas si simple pour un parti d’à peine quelques milliers d’adhérents de faire cohabiter en son sein des militants dont certains pourraient être à la gauche du Front de gauche et d’autres entre le Modem et l’UDI. Mais, bon an, mal an, l’improbable attelage tenait bon. L’élection de François Hollande et l’entrée des écologistes dans son gouvernement sont venues bousculer ce bel ordonnancement.

D’abord sur le cœur de métier d’EELV, car le moins qu’on puisse dire, c’est que les différents gouvernements de François Hollande ne brillent pas par leurs préoccupations écologiques. Dès le début du quinquennat, le premier ministre Jean-Marc Ayrault, principal artisan du projet de Notre-Dame-des-Landes, s’est empressé de débarquer sa ministre de l’Environnement, Delphine Batho, qui avait protesté contre la faiblesse de son budget. Reconnaissons que le président a depuis fait beaucoup mieux, avec un certain sens de la provocation. Ainsi à quelques encablures de la COP21, coup sur coup ont été annoncés la mise en place des bus Macron, l’abandon de la fermeture de Fessenheim et la délivrance de permis d’exploitation d’hydrocarbures en région parisienne et dans l’Est de la France. Il n’y a pas à dire, respect.

Mais au-delà du paradigme écologiste, il a bien fallu se positionner sur le fond des questions économiques, sur la politique d’austérité et finalement sur la question de l’appartenance gouvernementale. Il serait beaucoup trop réducteur de réduire cette dernière à l’aspiration de quelques-uns à devenir ministres. Non pas que l’appétit n’existe pas, certains sont même visiblement affamés, mais le positionnement sur ces questions traduit d’abord la place de chacun sur l’échelle gauche-droite. À l’instar d’un Cohn-Bendit, prêt à gouverner avec Angela Merkel en Allemagne, nombre de dirigeants écologistes se retrouvent bien dans la politique libérale du gouvernement, voire pire. À l’autre bout de l’échiquier, la base d’EELV est apparue plus radicale que son groupe parlementaire, se positionnant clairement pour la sortie du gouvernement et imposant un accord avec le Front de gauche dans 51% des cantons. Au regard de la politique menée par Hollande, une telle contradiction n’était pas tenable et ne pouvait se conclure que par des départs.

Stratégie du délitement

Plutôt qu’à une coupure nette, c’est à un lent délitement que nous assistons depuis des mois. Quasiment pas une semaine sans l’annonce d’une nouvelle démission d’un parlementaire ou d’un responsable régional d’EELV. Le projet du nouveau parti, Ecologistes ! lancé par François de Rugy et Jean-Vincent Placé est clair : « Une écologie pragmatique, réaliste et positive ». En clair, des alliances partout où c’est possible avec les socialistes pour les régionales, en attendant mieux. Car le même de Rugy a d’ores et déjà annoncé qu’il rêvait « d’union avec les modérés de la droite et de l’UDI » : on suppose que le scrutin de 2017 étant incertain, autant avoir deux fers au feu.

Du côté de la maison mère, la situation devient critique. Déjà, en juin, avant même les démissions, il avait fallu mettre en vente le siège national d’EELV, trop grand. On imagine que, depuis, les pas résonnent. Surtout, à ces problèmes organisationnels multiples, s’ajoute la chute libre dans tous les sondages d’opinion. Les Français, fatigués par le spectacle du parti écologiste, confrontés à des problèmes sociaux pour lesquels EELV n’a jamais songé à apporter un embryon de réponse, semblent se détourner du parti écologiste.

En Île-de-France, la candidature d’Emma Cosse semble particulièrement plombée. Ce sont déjà près d’un tiers des candidats de la liste EELV qui ont démissionné. La dynamique, ou plutôt son absence, est telle qu’il devient légitime de se demander si cette candidature ira au bout. Signe des temps, Emma Cosse, qui autrefois avec Act Up jetait des poches de sang sur les chemises blanches des patrons de l’industrie pharmaceutique, défend désormais, en toute écologie, celles d’Air France : « La violence de certains salariés condamne leur colère et condamne toute possibilité de dialogue ».

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