Le courage politique d’Alexis Tsipras n’aura pas suffi à faire éviter à son pays un accord humiliant qui inflige un camouflet au « non » de ses électeurs. Quelles chances cette issue laisse-t-elle aux gauches européennes de construire une alternative ?
Au petit matin, le premier ministre Grec a dû signer un accord très défavorable pour son pays. Comme le dit lui-même Alexis Tsipras, c’était avec un fusil sur la tempe. Nous ne ferons pas ici la liste de ces dispositions, au choix, récessives ou humiliantes. Cet accord a été imposé moins de huit jours après un « non » clair et net des Grecs à cette politique d’austérité et de domination. Il fallait les punir. Il devait être clair pour tous les peuples européens qu’il n’y a pas d’espace pour la remise en cause des politiques libérales.
Tsipras avait-il le choix ?
Dans son combat, Tsipras n’a eu autour de la table aucun allié. François Hollande aura du mal à réécrire l’histoire. Conformément à ses convictions maintes fois affirmées, et dans la filiation de l’histoire de la construction européenne, il déclarait que « rien n’était plus important que de préserver le couple franco-allemand ». Ce qui fut fait. Que ce soit un couple dans lequel les deux grandes puissances européennes jouent leur partition ne fait pas de doute. Dans ce duopole, la France, à travers l’action de son président, s’est fait l’écho des voix qui, en Europe, jugeaient trop dangereuse la sortie de la Grèce. Hollande n’a pas pesé pour que le vote des Grecs soit respecté. Il a défendu la puissance de la France.
Les députés français vont être appelé à juger cet accord. Que Tsipras n’ait eu que le choix de se battre jusqu’au bout de la nuit pour sauver son pays d’une banqueroute immédiate est une chose, que les députés français jugent favorablement ce compromis très injuste en est une autre. Espérons que cette voix sera portée, qu’ils diront nombreux le caractère inique, putschiste, de ce qui s’est passé cette nuit.
Le parlement grec aussi va se prononcer. Les élus du peuple grec porteront un avis sur l’action de leur premier ministre et de leur ministre de l’Économie. Les débats au sein de Syriza seront vifs. D’ici, il est très difficile de juger de la situation économique et politique grecque. Tsipras avait-il le choix ? Il semble que son peuple ne lui aurait pas pardonné de ne pas avoir tout fait pour conserver le pays dans la zone euro. On peut aussi penser que la Grèce n’a pas aujourd’hui les moyens d’une sortie, qui plus est brutale, de la zone euro.
La solidarité de nos destins politiques
Alexis Tsipras a jugé que l’accord passé était mauvais mais qu’il lui donnait du temps – trois ans, des liquidités –, un peu, et une perspective de restructuration de la dette. Il a estimé que, malgré des cartes encore amoindries, il pouvait faire le pari de conduire le redressement de son pays dans un esprit d’égalité. La partie qui s’ouvre est vraiment redoutable. Il va falloir faire preuve d’invention et réunir des forces, mobiliser des énergies pour défricher une autre voie que celle qui préside en Europe depuis la stratégie de Lisbonne. Syriza a montré qu’il ne manquait pas d’audace. Mais la partie est très difficile : elle est jouée par un petit pays, très affaibli.
Les forces de gauche européennes voient bien que l’issue pèse sur les chances de voir grandir une alternative. Si la Grèce était sortie de l’euro cette nuit, cela aurait compliqué très sérieusement les affaires des Espagnols, des Irlandais, des Portugais… de tous ceux qui veulent en finir avec l’austérité dans des pays très attachés à l’Europe. Les conservateurs autant que les sociaux-démocrates n’auraient pas manqué d’associer gauche radicale à aventurisme, cataclysme et sortie de l’euro.
Cette crise a mis en valeur comme jamais la solidarité de nos destins politiques. Les gauches européennes auront très certainement à réfléchir sur ce qui vient de se passer. Cela va prendre du temps. Des débats doivent s’ouvrir sur la situation créée par l’existence de cette monnaie unique que nous avons le plus souvent combattue en son temps, mais qui s’est installée. Il faudra mettre sur la table et dans les luttes des propositions et des exigences pour un fonctionnement démocratique de l’Europe (ce qui passe aussi par la remise en cause du couple franco-allemand).
La crise grecque a fait mûrir une opinion publique européenne. Si nous ne sommes pas créatifs et offensifs sur l’avenir de l’Europe, d’autres le seront.


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