Grèce : « L’avenir de l’Europe est en jeu »

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Dans une tribune publiée vendredi par le Financial Times, vingt-cinq économistes de renommée internationale, dont Joseph Stiglitz et Thomas Piketty, lancent un appel pour que « le bon sens économique et l’humain » l’emportent. La voici traduite en français.

Tribune parue dans le Financial Times vendredi 5 juin, traduction Bernard Marx.

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L’avenir de l’Union européenne est en jeu dans les négociations entre la Grèce et ses créditeurs, maintenant proches de leur point ultime. Pour éviter l’échec, des concessions seront nécessaires des deux côtés. De la part de l’UE, il faut la patience et les financements pour promouvoir la réforme structurelle et le redressement économique, et pour préserver l’intégrité de la zone euro. De la part de la Grèce, il faut un engagement crédible pour montrer que, si elle est opposée à l’austérité, elle est favorable à la réforme et veut jouer un rôle positif dans l’UE.

En janvier, plusieurs d’entre nous avons écrit dans une lettre au Financial Times : « Nous sommes convaincus qu’il est important de distinguer austérité et réformes; condamner l’austérité ne veut pas dire être anti-réforme. » Six mois plus tard, nous sommes consternés que l’austérité sape les réformes clés de Syriza, auxquelles les dirigeants européens auraient dû certainement collaborer, avec le gouvernement grec – notamment contre l’évasion fiscale et la corruption.

L’austérité réduit considérablement les recettes de la réforme fiscale, et restreint l’espace de changement pour rendre l’administration publique responsable et socialement efficace. Et les concessions permanentes exigées du gouvernement ont pour effet de menacer Syriza de perdre son soutien politique et par voie de conséquence sa capacité de mener à bien un programme de réforme qui permettra à la Grèce de sortir de la crise. C’est une erreur de demander à la Grèce de s’engager à appliquer l’ancien programme qui a manifestement échoué, a été rejeté par les électeurs grecs, et dont un grand nombre d’économistes (y compris nous) ont considéré, dès le début, qu’il était mal orienté.

Il est clair qu’un accord révisé à long terme avec les institutions créditrices est nécessaire: Si non, un défaut est inévitable, entrainant de grands risques pour les économies de l’Europe et du monde, et même pour le projet européen que la zone euro était censée renforcer.

Syriza est le seul espoir de légitimité en Grèce. L’incapacité de parvenir à un compromis saperait la démocratie et entraînerait des réponses beaucoup plus radicales et dysfonctionnelles, fondamentalement hostiles à l’Union européenne.

Considérons a contrario l’adoption rapide d’un programme constructif de rétablissement de la Grèce (et de l’Union européenne dans son ensemble), qui utiliserait la capacité financière massive de la zone euro pour promouvoir l’investissement, sortir les jeunes Européens du chômage de masse grâce à des mesures qui augmentent l’emploi aujourd’hui et la croissance future. Cela transformerait la performance économique de l’Union européenne et ce serait une fois de plus une source de fierté pour les citoyens européens.

La façon dont la Grèce est traitée constituera un message pour tous ses partenaires de la zone euro. Comme le plan Marshall, faisons en sorte que ce soit un message d’espoir et non de désespoir.

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