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Malakoff, lieu pour l’art contemporain Six expositions, de mars à mai, montrent la diversité de ce que l’on peut énoncer actuellement sous le nom de sculpture contemporaine. Visites averties.

A Sens, à l’Orangerie du Musée municipal, le sculpteur Ivan Messac présente un ensemble important de pièces en marbre blanc, ainsi que de grands dessins au fusain et à la sanguine, issus d’une longue aventure entre Carrare, en Italie, et la France. Le marbre est un matériau qui semble antinomique avec le travail contemporain et c’est précisément ce qui plaît à l’artiste. Sortir des idées reçues, comme celle qui dit que l’art de notre temps ne peut provenir que de l’emploi des nouvelles technologies. Mais l’informatique permet de créer des images très classiques, nombre de productions en témoignent. Donc le marbre, pourquoi pas ? C’est l’une des questions que pose la sculpture d’Ivan Messac qui emploie le marbre comme une matière quelconque, débarrassé de son prestige de matériau noble et qui n’exige pas le savoir-faire du  » beau métier « . Le marbre comme une sorte de performance qui règle l’effort, la dépense et accompagne une réflexion de poète face à la vitesse du monde actuel. Sans héroïsme métaphorique, il interroge la mémoire, une mémoire dont l’absence ne permet plus à l’être humain de se construire en tant qu’être autonome, pensant, et ne permet pas davantage de se projeter dans l’avenir, de construire et d’être en mouvement (1). Claude Lévêque utilise la quasi-totalité des salles de la Villa Arson à Nice pour créer, pour la première fois, un environnement déterminé par la lumière, intitulé  » Plus de lumière « . Il a conçu un parcours où le visiteur fait l’expérience de la couleur de la lumière, entièrement baigné, tour à tour, dans le jaune, le bleu, le rose, le vert et le blanc.

Messac et la mémoire du marbre, Lévêque et la couleur de la lumière

A quoi nous renvoie la lumière ? Quelles connotations peut-elle avoir ? Quelle influence, quel conditionnement sur notre corps ? Tantôt l’espace est celui de cellules où le corps se projette par l’intermédiaire d’un matelas solitaire, tantôt il est inaccessible et derrière les barreaux: un lustre auquel pendent des ceintures noires. Cette atmosphère de lumière est-elle apaisante avec quelques éléments nous rappelant la vigilance ? Où nous plaçons-nous face à cette mise en relation du corps très directe ? Toute la lumière utilisée par Claude Lévêque est déterminée en fait par les différents puits de lumières de l’architecture. Dans un espace tenant de la voie de circulation, des pommes de douche s’alignent au mur dans un environnement jaune néon. Dans une autre salle, de la lumière blanche clignote en un cercle d’ampoules. Faut-il fuir cette ordonnance ou bien se laisser bercer par cette ambiance dans laquelle nous plonge Claude Lévêque ? Pas si simple. Refuge ou enfermement: il faut de toute façon en faire l’expérience pour juger et s’approprier le moment:  » Plus de lumière  » pour tous ? (2) Claude Lévêque, encore, dans un autre lieu, une autre installation: sur une invitation de l’équipe du Centre national d’art contemporain de Grenoble, l’artiste investit un atelier d’artiste dans le quartier de Villeneuve. Le titre de l’installation, The world is a game, laisse augurer l’ambiance; elle comporte une partie sonore non négligeable, constituée de sons de jeux électroniques. Le visiteur est pris dans un tourbillon d’images des façades du quartier de Villeneuve, une projection d’images à différentes vitesses. Les hauteurs de l’espace sont balayées par des images noir et blanc. Sur un grand mur est projetée l’image fixe d’un toboggan de piscine. Lorsque tout ce manège d’images s’arrête, c’est au tour de sept globes d’éclairage urbain de clignoter à intervalles irréguliers au mur, au sol et dans les escaliers. Les ouvertures vitrées de l’atelier sont recouvertes d’un film de protection solaire bleu qui sépare le visiteur de l’extérieur (3). Autre lieu avec Claude Lévêque, qui investit, du 7 au 28 mars, un appartement privé au 29, rue Debelleyme 75003 Paris tél.: 01.40.29.93.83. L’a musique ralentie d’un boys band coule sur de grandes fleurs couleurs pastel acidulées,  » trash « , de même qu’une lumière rose et bleu tendre sortie d’ampoules de spots. Dans la cuisine, une vidéo sans son est diffusée dont le titre, les Lumières de la ville, donne le nom à l’installation. En septembre, Claude Lévêque sera présent avec une exposition personnelle dans les nouveaux locaux de la galerie Agnès B, à Paris, au 44 rue Quincampoix (75004). Un autre artiste que l’on peut rapprocher des deux premiers en ce qu’il participe de la remise en question de la sculpture en expérimentant ses limites, expose à Vitry, à la Galerie municipale. Bill Culbert travaille entre la France et l’Angleterre depuis 1961. Son travail procède du débat sur la sculpture qui anime la scène artistique britannique depuis Henry Moore en passant par Anthony Caro et jusqu’à Philip King, parallèle, en France, aux oeuvres d’artistes comme Arman, César ou Tinguely et, plus récemment, Claude Lévêque.

Bill Culbert, la photo comme médium de la sculpture

A Vitry, on nous propose, en une dizaine d’oeuvres, une importante exposition de cet artiste déjà reconnu mais qui n’a pas eu l’occasion de montrer, en Ile-de-France, son travail récent. On peut rapprocher également la démarche de Bill Culbert de celle d’Ivan Messac puisqu’ils ont commencé tous deux par la peinture, mais se définissent tous deux aujourd’hui comme sculpteurs et non comme peintres utilisant la sculpture. Bill Culbert a utilisé également la photographie comme outil et médium de la sculpture, la matière photographique pouvant être sculptée comme la lumière, matériau à part entière dans la sculpture de Bill Culbert, ainsi des alignements de néons posés sur les murs, mais aussi des installations utilisant d’autres matériaux ou objets que la lumière artificielle comme cette marée de bidons noirs jonchant le sol entre des néons allumés. L’accumulation des objets éclairants, mêlés à des objets éclairés, la récupération et le recyclage d’objets quotidiens, sans qualité esthétique prédéterminée sont à la base du regard poétique que Bill Culbert jette sur le monde et la société. Comme Claude Lévêque, il s’approprie des lieux inoccupés, telles, en 1997, les pièces d’un appartement à l’abandon dans un quartier HLM d’Avignon. Son utilisation du décor meublant les institutions administratives et son allusion au célèbre détective Philip Marlowe, marginal enquêteur découvrant les dessous noirs, glauques, inavoués de la société, montrent bien la posture que l’artiste adopte par rapport à ce monde (4).

1. Ivan Messac, Sens, Musée municipal.Jusqu’au 25 mai.

2. Claude Lévêque, Nice, Villa Arson.Jusqu’au 23 mars .

3. Claude Lévêque, Grenoble, quartier Villeneuve.Jusqu’au 15 mai.

4. Bill Culbert, Ivry-sur-Seine, Galerie municipale.Du 6 mars au 5 avril.

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