Chez EELV, les frictions avant la scission ?

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Le désaccord entre les tenants d’une alliance avec le PS pour faire retour au gouvernement et ceux d’un rapprochement avec leur gauche s’approfondit au sein des Verts. La perspective de 2017 et la crise du PS ravivent le mal endémique du jeune parti.

Les élections départementales auraient pu servir de juge de paix. Mais le caractère fédéral d’Europe Écologie-Les Verts (EELV) d’un côté, des résultats électoraux en demi-teinte de l’autre, n’ont pas permis de résoudre, par la vérité du terrain, la crise qui couve au sein du jeune parti écologiste. Le spectre de la scission plane sur une fédération qui n’a jamais vraiment réussi à s’amalgamer.

Samedi 4 avril, dans ce contexte où la dynamique d’alliance EELV-Front de gauche n’a pas fait vraiment la différence, les partisans d’une participation au gouvernement se sont réunis à l’Assemblée nationale. À en croire les militants qui s’opposent à un retour aux affaires, ce colloque a ravivé la fracture entre élus et militants. « Dans les régions, les trois quarts des militants refusent que nous revenons au gouvernement », pointe Julien Bayou, porte-parole national d’EELV et un des animateurs de la tendance Love, la plus à gauche.

Désarroi post-départementales

Il est vrai que les organisateurs de la réunion, présentée comme celle des « écolos pro-gouvernement » sont président du groupe écolo au Sénat, co-présidents du groupe EELV à l’Assemblée nationale, vice-président de l’Assemblée. Et que ce colloque fait suite à la rencontre entre le parti EELV et le Parti socialiste au surlendemain des élections départementales. Ladite rencontre s’est tenue sous haute surveillance : pas moins de deux conseillers de François Hollande étaient à proximité immédiate. Jean-Christophe Cambadélis a clairement tendu la main aux écolos et Manuel Valls n’a pas exclu un remaniement du gouvernement avec l’entrée de ministres EELV « s’il y a un pacte entre socialistes et écologistes ».

Les deux larrons socialistes ont profité du désarroi qui règne dans la famille écolo depuis le premier tour des élections départementales. La dynamique majoritaire, celle d’une alliance nouvelle avec le Front de gauche, n’a pas réellement été couronnée de succès. Elle a souffert d’un manque de lisibilité. EELV a mis en œuvre, sur la base des votes locaux, trois positionnements contradictoires (autonomie, alliance avec le Front de gauche ou avec le PS), y compris quelquefois dans le même département. Si 165 binômes, présentés ou soutenus par EELV, sont qualifiés pour le second tour, le bilan chiffré des résultats dénote la confusion politique de la formation verte : sur les 377 cantons où EELV était en autonomie, le parti obtient 9,7% ; sur les 448 cantons où EELV était en binôme avec le FDG, le score atteint 13,6% ; dans les 157 cantons où EELV était en binôme avec le PS, il atteint 27%. Difficile de dégager une orientation même si un constat s’impose : EELV n’arrive pas à s’en sortir tout seul.

L’épouvantail de la scission

C’est ainsi que la querelle « stratégique » a pu reprendre ses droits. D’un côté, Cécile Duflot affirme maintenir le cap d’une alliance privilégiée avec le Front de gauche, bénéficiant de l’appui des proches d’Eva Joly. De l’autre côté, les partisans d’une participation au gouvernement, « pour peser sur sa ligne ». Ce débat met en lumière les divisions de la famille écolo, dont chacun renvoie la responsabilité sur l’autre. Il montre enfin que l’attelage de la société civile et des militants politique de l’écologie qui a donné naissance à Europe Écologie-Les Verts n’est toujours pas consolidé. Tout le monde s’accorde pour « faire progresser les idées écologistes ». Mais personne ne se met d’accord sur les moyens pour y parvenir. Denis Beaupin, vice-président de l’Assemblée nationale, résume : « Les désaccords que nous avons entre écologistes ne portent pas sur le contenu (…) on a parfois des divergences en matière de stratégie. »

Cet accord proclamé sur le fond de la question – l’enracinement des idées écolos dans la société – est brandi comme une sorte d’épouvantail à scission. Emmanuelle Cosse, secrétaire nationale, excelle dans le rôle d’équilibriste, pour tenir tous les bouts de la contradiction. Intervenant à la réunion du 4 avril, elle a osé : « Celles et ceux qui pensent qu’il est de bon ton de caricaturer une réunion, où l’on vient parler de nucléaire et de transition énergétique, de réunion pro-Hollande ou pro-gouvernementale, n’ont rien compris à l’histoire. » De la même manière, se félicitant du vote de soutien d’EELV à Syriza, elle avait tenu à différencier cette prise de position, cohérente avec celle des écolos grecs, d’un rapprochement avec le Front de gauche. Aux côtés duquel elle allait tenir meeting quelques heures plus tard.

Clarification ou refondation ?

Le débat au sein d’Europe Écologie-Les Verts, qui est aussi vieux que le parti lui-même, va-t-il déboucher sur une scission ? Tous les observateurs l’annoncent. Certains la souhaitent. François de Rugy, co-président du groupe EELV à l’Assemblée, en brandit la menace entre les lignes. Il évoque les débats tenus le 4 avril comme un « début de clarification » qui débouchera, peut-être, « sur une refondation ». À savoir une rupture entre les écolos qui se proclameraient « réalistes » et ceux qui pensent que, dans le capitalisme vert, le problème n’est pas la couleur. Et puis, la sénatrice EELV du Val-de-Marne, Esther Benbassa, relativise : « Il ne faut pas prendre tout ça très au sérieux. Scission ? Non (…) Tout le monde reviendra au bercail parce que pour être élu, on a toujours besoin du parti. » Une manière de confirmer qu’EELV est bel et bien un parti comme les autres.

Comme les autres, il a donc ses luttes de pouvoirs et ses « enjeux ». Des enjeux troublés par la présidentielle de 2017. Cécile Duflot se sent « les épaules pour y aller ». Noël Mamère, de l’extérieur désormais, l’y pousse. Mais les députés et sénateurs pensent à leurs sièges. Et François Hollande pourrait avoir conditionné un accord entre PS et EELV pour les législatives de 2017 à l’absence de candidat écolo à la présidentielle. Quand le PS est enrhumé, c’est EELV qui tousse

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