À Lille, Pau, Rouen ou dans le Tarn, plusieurs cantons pourraient basculer du PS vers sa gauche grâce à des alliances entre Front de gauche et EELV, parfois élargies à Nouvelle donne. Tour d’horizon de ces lieux où la gauche se recompose avec les citoyens.
La déroute électorale annoncée va-t-elle accélérer la nécessaire recomposition de la gauche ? C’est le défi qu’entendent relever une partie d’Europe Ecologie-les Verts, le Front de gauche et Nouvelle Donne dans un certain nombre de cantons. Le caractère fédéral d’EELV, où les décisions se prennent localement, et les bisbilles locales qui perdurent au sein du FdG empêchent de donner une portée nationale à ces expériences qui fleurissent sur le terrain. Mais, de Lille à Pau en passant par Rouen et le Tarn, des dynamiques d’unité pourraient alimenter la réflexion nationale.
Prendre le leadership à gauche
À l’échelle nationale, pourtant, le parti écolo n’a opté pour un rapprochement avec le PS que dans un cas sur dix. Dans 45 % des situations, les militants ont préféré former des alliances avec tout ou partie du Front de gauche. C’est le cas dans les Pyrénées-Atlantiques où Europe Écologie-Les Verts et le Front de gauche présenteront des binômes communs dans les quinze cantons du département. « Nous avons débuté des discussions à l’automne pour y parvenir. Sur le terrain, les militants des deux familles se retrouvent régulièrement, par exemple contre ce projet ruineux et totalement inutile d’une nouvelle autoroute entre Pau et Oloron », se réjouit Olivier Dartigolles, patron du PCF en Béarn.
Les luttes et mobilisations locales ont contribué à rassembler les partis à gauche du PS. Il en va ainsi dans le Tarn, même si l’union des écolos et du Parti de gauche reste cantonnée à une circonscription électorale. Le canton « Vignobles et Bastides » comprend la forêt de Sivens et le projet de barrage si décrié, qui a fini par susciter la candidature de la liste « Alternative citoyenne Tarn Écologie et Solidaire » (ACTES), soutenue par EELV et le PG, qui va s’affronter avec le PS… et le PCF. Comme dans l’Isère. Forts de la dynamique enclenchée lors des municipales à Grenoble, l’alliance citoyenne soutenue par les écolos et le parti de Jean-Luc Mélenchon entend prendre la tête du département au soir du second tour. « Nous voulons avoir plus d’élus que le PS pour prendre le leadership de la majorité à gauche », explique Lionel Coiffard, coordinateur de la campagne en Isère.
Majorités rouges-vertes
Dans le Nord, ce sont deux cantons lillois qui attirent les regards : les cantons 3 et 4 pourraient basculer, si les dynamiques militantes se développent pour faire face à la tentation du vote utile. Le PS est en effet talonné par le rassemblement EELV-Front de gauche. Une bascule de cette nature aurait une signification forte, y compris pour la maire de Lille, Martine Aubry, à quelques encablures du congrès du Parti socialiste.
En Seine-Maritime, dans une grande majorité de cantons, le Front de gauche, au complet cette fois, s’unit avec Europe Ecologie-Les Verts, mais aussi avec Nouvelle donne et d’anciens élus socialistes, comme le conseiller sortant de Saint-Valéry-en-Caux Bruno Thune. Ce dernier explique sobrement : « Nous sommes bien mieux ensemble que chacun de notre côté. Les citoyens ont le droit à un véritable programme de gauche que le PS n’incarne plus. » Dans ce département symbolique, où le PCF disposait encore de dix conseillers généraux, les cantons de Rouen, Dieppe ou encore Le Havre seront scrutés à la loupe le 22 mars au soir. Binôme de la conseillère sortante Nathalie Nail, l’écolo Alexis Deck affirme l’ambition partagée : « Avec le Front de gauche, nous partageons la volonté de défendre les services publics de proximité et d’assurer l’égalité territoriale. L’idéal serait d’obtenir une majorité rouge-verte. C’est possible. »
Dynamiques de l’union
En Haute-Vienne, ancienne « terre rouge », l’union est généralisée dans tous les cantons. Elle s’est élargie, là aussi, à Nouvelle donne et à des groupes progressistes locaux, le tout formalisé dans « Alternative 87 ». C’est singulièrement dans les cantons ruraux que cette alliance peut devancer le PS en profitant d’une dynamique d’union couplée à un fort ancrage communiste local. Dans le département voisin de la Corrèze, le rassemblement à gauche s’est doté d’une charte commune « qui constitue le socle de nos valeurs de gauche et pose les principes fondateurs de notre rassemblement, sans compromis avec le libéralisme et les choix du gouvernement Hollande-Valls, de la droite et du FN », expliquent d’une même voix les animateurs de cette nouvelle force politique qui entend perdurer.
Reste à voir si cette dynamique pourra s’enraciner dans les mois à venir. EELV n’est pas unanime sur le sujet d’un changement d’alliance : ses parlementaires, François de Rugy et Jean-Vincent Placé notamment, ne font pas mystère de leur opposition à une alliance durable avec le Front de gauche (lire « Chez EELV, on sort l’arme lourde »). Au sein de ce dernier rassemblement, les voix ne sont pas aussi convergentes. Les résultats électoraux joueront, probablement, le rôle de juge de paix, validant les élargissements locaux quand ils obtiennent de bons résultats.


Laisser un commentaire