L’économie à la télévision ce n’est pas forcément du François Lenglet. Ce peut être spectaculaire, intéressant et utile. La preuve avec l’émission « Cash investigation » diffusée mardi.
L’émission traitait de la domination des actionnaires, c’est-à-dire de l’une des plaies systémiques qui gangrènent l’économie et la société. Pour une fois, il n’était donc pas question des coûts excessifs du travail, des rigidités du droit du travail et de la « nécessité vitale » pour l’emploi d’avoir à étendre le travail du dimanche. Deux heures durant, il a été question du coût du capital. Les lecteurs réguliers de cette rubrique n’auront pas été surpris. Mais le décryptage des ressorts et des effets de la course aux dividendes filmé à hauteur d’hommes et de femmes, du monde d’en bas et du monde d’en haut, est tout de même sacrément révélateur.
Sanofi, Pages jaunes et Samsonite.
Le documentaire est construit autour de trois cas exemplaires .
Sanofi : c’est l’histoire d’un poids lourd mondial du médicament et deuxième entreprise du CAC 40, qui sacrifie ses centres de recherche et maintenant ses centres de production en France pour verser 50% de ses revenus nets en dividendes aux actionnaires et qui paie des revenus records ( 857 fois le Smic ) à ses DG successifs
Pages Jaunes : c’est l’histoire d’une entreprise ex filiale de France Télécom, vendu à Goldman Sachs et au fonds d’investissement KKR grâce à un LBO ( «Leverage Buy-Out ») c’est-à-dire, avec une mise de fonds minimale et un endettement maximum localisé largement dans l’entreprise achetée. Pages jaunes est ainsi transformée en machine à payer la dette et les dividendes aux acheteurs. Et ce sont les salariés qui trinquent avec des méthodes de commandos militaires, et des cortèges de souffrance au travail.
Samsonite. C’est l’histoire de deux cents salariés d’Hénin-Beaumont, sacrifiés sur l’autel de l’actionnariat du fonds d’investissement Bain Capital, dont le fondateur n’est autre que Mitt Romney, le candidat républicain à la Présidence des Etats Unis face à Barak Obama.
Un conseil donc à celles et à ceux qui n’étaient pas devant France 2 ce mardi 3 mars, profitez du replay. C’est ici.
Et encore merci au journaliste Edouard Perrin, à Elise Lucet et à l’équipe de Cash investigation pour ces moments de bonne télévision, où tombent les masques de la com et où éclate le mépris de caste des grands serviteurs des dividendes, derrière la récitation d’arguments auxquels ils ne croient pas eux-mêmes.
Voyez Pierre Gattaz proclamer, « les dividendes c’est merveilleux ! »
Voyez les actionnaires de Sanofi, huer un salarié qui interpelle actionnaires et dirigeants sur ce qu’ils font de la vie des salariés comme lui, à force de distribuer une part sans cesse croissante de dividendes. Voyez comment Serge Weinberg, le président de Sanofi « justifie » les rémunérations records (8,5 millions d’euros) du DG Christopher Viehbacher (avant qu’il ne saute en parachute doré) malgré les résultats en baisse et voyez aussi comment celui-ci ne répond pas.
Voyez Emmanuel Macron patauger dans la justification des 125 millions d’euros versés par l’Etat au titre du crédit d’impôt recherche à Sanofi qui sabre dans ses centres de recherche en France et licencie des chercheurs.
Certes Cash investigation ne dit pas ce qu’il faut faire, mais elle donne une forte envie de changer la Règle du jeu.
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