Loi Macron : there is an alternative

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La journée de mardi devait être celle de l’adoption de la loi Macron. Elle restera comme le jour où le premier ministre choisit l’affrontement avec sa majorité et opte pour un passage en force en recourant au 49.3. Décryptage.

Invoquant « l’esprit du 11 janvier », les ministres et leaders du PS ont fait valoir l’union nationale pour que les frondeurs ravalent leurs exigences et votent la loi Macron. Le travail du dimanche ou la privatisation des autocars comme réponse aux tueries de janvier ? Fallait oser. Ils ont tenté. En vain. En fin de matinée mardi, les députés socialistes étaient suffisamment nombreux à annoncer un vote contre ou une abstention que le texte n’était pas certain de passer. En tout cas pas sans les voix de députés de droite.

On aurait pu penser qu’une voie de compromis serait recherchée par le gouvernement. Par exemple, sur la très emblématique mesure du travail du dimanche. Le texte initial prévoyait 12 dimanche de travail. Le texte final annonce 12 dimanche de travail. Beaucoup de députés, même de droite, demandaient des compensations minimales inscrites dans la loi. Ce fut également non.

Poussée de testostérone

Valls se justifie : la France a besoin d’autorité. Le gouvernement assume la carte de l’autoritarisme. Ainsi, le premier ministre continue de parfaire son image. Il s’affirme inflexible aux yeux de l’opinion publique. Mais il joue aussi l’interne. A quelques mois du congrès du PS, il croit le moment venu de lancer la charge contre tout ce qui rappelle de près ou de loin la tradition socialiste née à Epinay. La bande des cogneurs se mobilise. Le Guen, Le Foll, Macron ont une poussée de testostérone. La violence des propos contre les frondeurs donne la mesure de l’affrontement. Emmanuel Macron estime qu’ils sont « la gauche qui ne fait rien, ne sert à rien ». Un député PS s’autorise l’expression « ces gens-là » à propos de ses camarades d’hémicycles. Stéphane Le Foll parle de « soi-disant députés » et menace d’exclusion du PS quiconque voterait la censure.

La fragilité politique dans laquelle se trouve la gauche radicale est vue comme l’occasion d’éreinter tous ceux qui, à l’intérieur du PS, s’écartent de la voie gouvernementale. Il n’y a pas d’alternative politique : la preuve par le 49.3. Jeudi 19 février, les députés écologistes et socialistes voteront dans leur immense majorité contre la motion de censure, renouvelant de fait la confiance au gouvernement Valls. Le premier ministre y trouvera une satisfaction perverse à contraindre les frondeurs à plier genoux. Mais la fracture est consommée.

Une majorité sans majorité

Le groupe des députés Front de gauche a annoncé qu’il voterait la motion de censure, marquant une rupture de plus en plus nette avec le PS. Le choix n’est pas simple car voter une motion déposée par la droite est susceptible de nourrir des confusions mais ne pas voter la motion de censure est aussi de nature à ne pas clarifier ce qui doit l’être : l’opposition à ce gouvernement qui mène au nom de la gauche une politique de droite. C’est la raison pour laquelle la députée de Nouvelle donne, Isabelle Attard, avec ses collègues communistes, notamment André Chassaigne et Marie-George Buffet, a proposé aux députés EELV et frondeurs socialistes de déposer une motion de censure de gauche. Ces derniers n’ont pas saisi la main tendue mais, de toute façon, le seuil de 58 députés pour pouvoir déposer une motion de censure rendait peu réaliste la mise en œuvre d’une telle proposition.

Celle-ci avait le mérite de donner à voir la démarche de celles et ceux qui veulent la peau de la loi Macron et contester à gauche le cap gouvernemental. C’est aussi une façon de poser un jalon : la majorité n’ayant plus de majorité, il faut bien travailler à une autre dynamique politique à gauche. Au travers des critiques de gauche adressées au gouvernement se dessine un nouveau pôle politique, divers mais finalement assez cohérent sur sa volonté de contester les normes libérales, de porter la transition écologique, de changer de République ou de redonner du tranchant à l’égalité.

Surmonter l’atonie sociale et la sidération politique

Les Chantiers d’espoir qui viennent d’être lancés offrent un cadre. Encore faut-il que l’atonie sociale et la sidération politique, notamment après les élections départementales qui risquent de ne pas être le meilleur cru à gauche (pour le dire avec euphémisme), ne l’emportent pas et que l’esprit d’unité, de créativité et de responsabilité domine. La possibilité à portée de main d’empêcher l’adoption de la Loi Macron – qui n’aura pas de majorité au Sénat, ni à la Commission mixte paritaire… – pourrait constituer une première victoire.

En attendant, dans cette guerre pour rompre avec la gauche, Valls et Macron pensent gagner une bataille symbolique interne et auprès de l’opinion publique. L’émergence en Europe de mouvements en faveur d’une autre politique dira si Valls a raison d’asséner à son tour « There is no alternative ».

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