Teresa Rodriguez, l’anti-Iglesias de Podemos

Teresa Rodriguez s’est fait connaître en entrant au Parlement européen, mais elle peine à se faire une place au côté du charismatique Pablo Iglesias. Briguant la région Andalousie, elle espère créer un contre-pouvoir au sein de Podemos. Portrait d’un électron libre.

Le 15 mai 2014, à trente-trois ans, Teresa Rodriguez devenait députée européenne sous la bannière du mouvement espagnol Podemos. À l’époque, elle arborait encore fièrement sa double appartenance politique avec Izquierda anticapitalista (IA, Gauche anticapitaliste), parti d’extrême gauche proche de notre NPA, qui fut l’une des organisations fondatrices de Podemos. IA défendait avec ardeur les idéaux des Indignés, notamment l’horizontalisme des décisions (lire aussi « Podemos, un objet politique en mutation »).

C’est cette ligne politique que Teresa Rodriguez défend, ralliée à Pablo Echenique, une des figures les plus influentes du mouvement, et lui aussi eurodéputé Podemos. Ils se mettent en lice dans le processus organisationnel de Podemos en tant que parti, lors de l’Assemblée citoyenne qui s’est tenu en octobre dernier. Echenique, Rodriguez et quelques autres n’arriveront pas à peser substantiellement, n’obtenant que 12,37% des voix, contre 80,71% pour l’équipe d’Iglesias.

Farouchement militante

Depuis son élection à la tête du parti, Iglesias a fait adopter une nouvelle règle : un membre de Podemos ne peut être affilié à un autre parti. Cette règle ne vise concrètement que IA, et donc Teresa Rodriguez. Mais cette dernière n’est pas du genre à se laisser mettre hors-jeu si facilement. Grâce à un tour de passe-passe, Rodriguez réussira à demeurer membre à part entière de Podemos : le 17 et 18 janvier, IA tenait son congrès au cours duquel a été décidé que le parti serait dissout puis refondé en association. Ainsi, Teresa Rodriguez peut continuer d’être membre de l’association « Anticapitalistas » sans enfreindre le règlement d’Iglesias. Ce dernier n’en a pas fini avec l’Andalouse.

Née en 1981 à Rota, en Andalousie, Teresa Rodiguez commence sa « carrière » de militante dès l’âge de quinze ans, à l’occasion de manifestations contre les coupes budgétaires dans l’éducation. Elle fera également du droit des femmes son combat, notamment à travers la problématique de l’avortement, droit encore trop peu accordé dans la pratique. Jusqu’en 2008, Rodriguez est membre de Izquierda unida (IU, Gauche unie) qu’elle abandonne car elle considère que le parti est trop proche du PSOE. Avec d’autres de IU, elle fonde Izquierda anticapitalista dans la province de Cadiz. Parallèlement, elle enseigne l’espagnol et la littérature dans le secondaire. Toujours très critique à l’égard des différents gouvernements, du capitalisme et de la société de consommation, elle déclarait en 2011 vouloir « changer le système ».

Une alliance pour remporter l’Andalousie

Il faudra attendre l’avènement de Podemos pour faire espérer aux anticapitalistes la possibilité de peser dans le paysage politique. En moins d’un an, Podemos change l’utopie de Teresa Rodriguez en programme politique envisageable aux yeux des Espagnols. Il est loin le temps où, aux municipales de 2011, Rodriguez n’obtenait que 1,56% des suffrages à Cadiz. Désormais, elle brigue la région, et tout d’abord la tête de Podemos pour celle-ci, avec l’appui de Pablo Iglesias en personne. Sa seule condition, qu’elle s’allie à Sergio Pascual, un proche d’Iglesias, afin de former la candidature « la plus forte possible pour l’Andalousie », mais aussi pour que l’organe central garde un œil sur elle. Teresa Rodriguez commentait à ce sujet : « Les débats sur les postures organisationnelles, avec des perspectives différentes, ne sont pas incompatibles. »

Mais si les tensions entre Iglesias et Rodriguez semblent avoir été mises de côté d’un commun accord, c’est pour que Podemos remporte un maximum de scrutins. La rivale est maintenant Susana Díaz, membre du PSOE et actuelle présidente de la communauté autonome d’Andalousie, que Teresa Rodriguez a qualifiée de « partie immergée de l’iceberg du clientélisme andalou ». L’Andalousie est la région la plus touchée par le chômage en Europe (35% de la population et 62% des moins de vingt-cinq ans), mais aussi une des régions les plus riches en cercles Podemos (172 cercles et plus de 41.000 inscrits). C’est avec cette force citoyenne et ce bilan catastrophique des décennies PSOE que Rodriguez compte bien relever ce défi de « sortir l’Andalousie du sous-développement économique ».

Reste à savoir si l’unité prônée par Iglesias, et de fait approuvée par Rodriguez, tiendra sur le long terme. Les élections régionales se tiendront le 22 mars prochain et tout ce qui est certain, c’est que la guerre des chefs n’est pas encore terminée à Podemos.

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