À quoi sert la loi Macron ?

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La loi Macron n’apportera pas « la croissance et l’activité » promises. Mais elle met le pied dans la porte d’une nouvelle vague de dérèglementation sociale. La droite s’en frotte déjà les mains.

Au début de l’été2014, on était parti, avec Arnaud Montebourg sur le projet d’une loi censée débusquer les rentes de trente-sept professions réglementées afin de rendre 6 milliards d’euros de pouvoir d’achat aux consommateurs. À l’arrivée, du moins avant que le projet de loi ne passe au Parlement, on a une loi qui brasse très large, traitant de quelques professions réglementées (principalement les professions juridiques), du travail du dimanche, du droit du travail et du temps de travail, de la justice prud’homale, de la vente des participations de l’État dans les aéroports de province, du transport inter-régional par autocar, de l’épargne salariale.

La loi, déjà présentée par le député socialiste Richard Ferrand comme « la plus importante du quinquennat », serait comme le troisième volet de la politique économique du gouvernement censée débloquer en France « la croissance et l’activité », à côté du Pacte de responsabilité et de la baisse des dépenses publiques.

La dimension « fourre-tout » conduit certains, au sein même du Parti socialiste, à faire part de leur insatisfaction. « Nous n’arrivons pas à comprendre la cohérence de ce projet, où cette loi veut nous amener », a critiqué la députée Karine Berger. Pourtant, c’est une erreur. Il y a une cohérence. Pour qu’elle soit mieux garantie, c’est le ministère de l’Économie et son patron Emmanuel Macron qui officient, y compris lorsqu’il s’agit de toute évidence de questions qui concernent au premier chef le ministère du Travail ou celui de la Justice.

La cohérence de ce fourre-tout

La cohérence de la loi Macron est qu’elle s’inscrit entièrement dans les injonctions de réformes structurelles de dérèglementations néolibérales réclamées par l’OCDE, par la Commission et le Conseil européen, par le G20 et surtout par le capital pour répondre à la crise. Ces injonctions visent essentiellement des rigidités réglementaires sur certains marchés de biens et de services, sur le marché du travail et sur la protection sociale.

Qu’un gouvernement socialiste soit à la manœuvre pour impulser des réformes de déréglementation, dans le contexte d’une crise économique durable du capitalisme, n’est pas non plus une nouveauté. Dans la deuxième moitié des années 1980, le gouvernement de Laurent Fabius et son ministre des Finances Pierre Bérégovoy avaient sérieusement amorcé la déréglementation financière – c’est-à-dire l’une des transformations structurelles majeures de l’époque face à la crise durable de la croissance « keynésienne ».

Et aujourd’hui, ici et maintenant, en même temps que les socialistes français votent leur charte « écosocialiste » (sic), ils bloquent, au niveau européen, des réformes de re-régulation de la sphère financière, au nom de la défense des intérêts du capital financier français, qu’il s’agisse de la séparation bancaire ou de la taxation des transactions financières. Et ils activent au niveau national une nouvelle vague de réformes structurelles de déréglementation. Celles-ci visent à étendre la sphère d’activité du capital financier pour y capter des possibilités de profits odieusement accaparées par quelques rentiers indépendants. Et elles visent surtout une déréglementation sociale de grande ampleur, quasi systémique par rapport aux règles sociales de la « grande transformation » du capitalisme arrachée en Europe à la mi-temps du siècle passé.

Impact anecdotique, mais porte ouverte

Du côté des économistes, cette orientation fait figure de nouvelle doxa, comme hier la prétendue efficience des marchés financiers servit de justification à leur déréglementation. Ainsi vont les professionnels d’une profession qui vantent la supériorité du marché sans en respecter pour eux-mêmes les règles de fonctionnement. Une profession qui marche à l’entre-soi et pas à la libre concurrence des idées. On se reportera à ce sujet à une étude récente de deux sociologues et d’un économiste français qui concerne, certes les économistes américains, mais certainement pas qu’eux…

Le problème souligné par tout le monde, y compris par les ardents défenseurs de cette politique, est que la loi Macron ne générera ni activité, ni emploi, ni même croissance. « Bonne chance à la loi Macron, mais il ne faut pas en attendre beaucoup », dit Gilbert Cette, l’un de ses inspirateurs (Les matins de France culture 10/12/2014). « Elle soulève de nombreux tabous, mais son impact sur la croissance risque d’être anecdotique », surenchérit son collègue Xaver Timbeau de l’OFCE (Le Monde 10/12/2014).

Dans ces conditions, à quoi servira la loi Macron, sinon simplement à mettre le pied dans la porte ? Les résultats escomptés ne seront pas au rendez-vous. Ce sera juste la preuve qu’il faut aller plus haut, plus vite et plus fort. Mais dans le même sens. « Il faudra d’autres projets de loi beaucoup plus ambitieux allant dans la même direction », juge Gilbert Cette. Ça tombe bien. Laurence Parisot pense exactement la même chose. Et Nathalie Kosciusko-Morizet, Juppé et Sarkozy, aussi. Quel bonheur, pour eux, d’avoir ainsi le boulevard encore plus largement ouvert par cette nouvelle loi.

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