Quelque part entre Guédiguian et Scola, Laurent Cantet filme lui aussi des retrouvailles en bord de mer : celles de cinq témoins d’une Révolution cubaine dont ils évoquent la jeunesse et les désenchantements en même temps que les leurs.
Le Retour à Ithaque qui est fêté sur une terrasse de la Havane entre copains est celui d’Amadéo, en exil à Madrid depuis seize ans. Il annonce à ses vieux amis sa décision de rentrer définitivement. Le film se déroule entièrement au cours de cette nuit de retrouvailles, avec en arrière-plan le célèbre Malecon de la Havane.
Au début, Retour à Ithaque évoque un tropical Marius et Jeannette de Robert Guedeguian. Effet sans doute lié à l’âge des protagonistes, cinquante ans bien sonnés, au naturel de la langue, au décor un peu foutraque, à l’ambiance de fête simple. Il nous revient aussi La Terrasse d’Ettore Scola qui mettait en scène une soirée entre des intellos dans une Italie tournant la page du communisme. Mais Laurent Cantet n’a ni raconté une fable qui finit bien, ni surpolitisé son film.
Les années de jeunesse, les années terribles
Retour à Ithaque est l’histoire de quatre hommes et une femme, écrivains, médecin, ingénieur déclassé, peintre, qui ont vu leur vie leur échapper au tournant des années 90. En quelques heures, avant le lever du soleil, ils vont se raconter leur besoin d’y croire, leur peur, leur vide intérieur. Certains ont fabriqué une solution de survie, croyance vaudou, exil ou jouissance des biens d’une ouverture économique. D’autres n’ont rien pu y faire. L’encre et le pinceau restent secs.
Ensemble, ils évoquent les années de jeunesse quand la révolution rimait aussi avec cheveux courts, persécution des homosexuels et interdiction du rock américain. Ils en rient encore. Les années 90, celles de la chute du communisme, celles où Cuba est seule, ont été terribles. Fallait-il rester ? Fallait-il partir ? Et les enfants ? Beaucoup sont loin, d’autres rêvent de l’être.
Ce très beau film coécrit avec Léonardo Padura est plein d’empathie pour ces Cubains qui étaient du côté de la révolution, et qui se retrouvent aujourd’hui échoués parmi les cris de supporters de football et du cochon qu’on égorge. Il nous laisse rincés.



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