Au même moment, deux titres de la presse marseillaise d’opinion, La Marseillaise et Le Ravi, se trouvent dans la tourmente des règlements judiciaires. Tous deux peuvent disparaître et appellent à les soutenir. Mauvais vent pour la démocratie…
L’un est un grand quotidien régional de gauche, ancré à gauche depuis 1943, l’autre est une publication humoristique, caustique et indépendante.
La Marseillaise, la gauche dans la tourmente
La Marseillaise a une histoire glorieuse. Le journal est né dans la clandestinité, en décembre 1943. Il est alors l’organe du Front national, l’organisation résistante que le PCF a créée en mai 1941. En 1944, il reparaît au grand jour. Il deviendra par la suite le quotidien régional du Parti communiste et le restera officiellement jusqu’en 1967.
Pendant longtemps, la grande cité phocéenne pouvait lire chaque jour trois grands journaux : l’un était à droite (Le Méridional de l’armateur Jean Fraissinet), l’autre était socialiste (Le Provençal de Gaston Defferre), le troisième était donc communiste (deux députés communistes de Marseille, François Billoux, puis Guy Hermier, en ont longtemps été les directeurs).
Le paysage s’est élagué. Le Provençal est devenu La Provence, après avoir absorbé en 1997 son concurrent de droite Le Méridional. Propriété successive d’Hachette et d’Hersant, il est passé en 2013 sous le contrôle de Bernard Tapie. Inutile de préciser que le rapport du journal au socialisme et à la gauche s’est fait quelque peu ténu… Par la force des choses, La Marseillaise, dont les liens avec le PC sont moins contraignants que par le passé, est donc le seul quotidien de gauche de l’espace méridional.
Le journal rayonne aujourd’hui sur six départements du littoral méditerranéen. Il dispose de sa propre imprimerie et emploie 208 personnes, dont 75 journalistes accrédités. Ses problèmes de long terme sont ceux de la presse en général et de la presse démocratique en général : tassement continu des ventes, chute des recettes publicitaires, insuffisance des aides publiques… Ajoutons que le quotidien n’est adossé à aucun groupe de presse qui puisse conforter sa trésorerie, couvrir son endettement et assurer financièrement ses investissements. La semaine dernière, le PDG du journal, Jean-Louis Bousquet, a annoncé que des pertes considérables enregistrées en 2014 (un à un million et demi d’euros) obligeaient La Marseillaise à demander un redressement judiciaire, que le Tribunal de commerce a accepté ce mardi 15 novembre.
A priori, le journal est sauvé, pour un temps tout au moins. Le PDG a d’ores et déjà annoncé qu’allait être adopté « un plan de sauvegarde », sous la forme notamment d’un « plan de restructuration », dont le délégué SNJ-CGT, Jean-Marie Dinh redoute qu’il ne comporte un coût humain très lourd (un chiffre de soixante-dix licenciements possibles a même été évoqué par le syndicat). Dans l’immédiat, la direction du journal envisage « d’en appeler à nos lecteurs, au monde politique et de chercher d’éventuels partenaires ». Le directeur du journal, Michel Montana, se veut optimiste et compte sur le sursaut de ceux qui ne veulent pas voir disparaître l’originalité marseillaise bien rare d’une grande ville disposant encore d’un « pluralisme de journaux ».
Les collectivités locales, aux moyens par ailleurs sous tension, et surtout l’État pourront-ils et voudront-ils réagir ? Nul ne le sait. Le plus assuré est la mobilisation du lectorat et de l’environnement citoyen. Pour cela, le quotidien organise la mobilisation, sous la forme d’une pétition que l’on peut signer sur le site du journal. Gros enjeu que celui-là : rien moins que la survie d’un titre qui a soixante-dix ans d’âge, l’un des derniers issus de la Résistance.
Antoine Chatelain.
Le Ravi se bat pour rester en vie
Le Ravi est en difficulté et ce n’est une bonne nouvelle pour personne. Toutes les régions n’ont pas la chance d’avoir une publication qui s’attache chaque mois à décrypter les enjeux locaux avec ce qu’il faut d’humour, d’effronterie mais aussi de rigueur journalistique. C’est le cas en PACA, où Le Ravi est un peu plus qu’une simple feuille de chou venant chatouiller les pieds des deux institutions de la PQR que sont la Provence et la Marseillaise.
Lancé il y a onze ans, animé par une équipe toujours motivée et édité par l’association la tchatche, le « mensuel qui ne baisse pas les bras » joue aussi un rôle d’agitateur politique. Passant les conseils municipaux au « contrôle technique », proposant des débats publics en période électorale, enquêtant régulièrement sur les affaires impliquant le personnel politique local. Et organisant des « rencontres de la presse pas pareille » auxquelles Regards avait été convié et pris part.
Malgré ce travail salutaire et reconnu, Le Ravi n’échappe pas aux difficultés économiques récurrentes qui touchent toute la presse alternative et indépendante. Cette fois, la situation est critique. Une audience avait lieu cette après-midi du 25 novembre au Tribunal de commerce de Marseille. L’équipe du journal veut éviter la liquidation et vise le redressement.
Le verdict sera rendu dans quinze jours mais la mobilisation a d’ores et déjà commencé. Avec en perspective une refonte du titre en septembre 2015, les journalistes se préparent à faire vache maigre et s’apprêtent à sortir quelques Ravi de crise. En décembre, puis les mois suivants.
La volonté et la motivation ne font pas défaut mais les soutiens et l’argent, si. Avec 60.000 euros, ça irait beaucoup mieux. Et comme tous les journaux, ils sont preneurs d’abonnés.
E.R.
Toutes les infos sur www.leravi.org
et une adresse postale :
Association La Tchatche
11 boulevard National, 13001 Marseille
Tél : 04 91 08 78 77


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