Benoît Hamon au bord de la rupture

L’ancien ministre de l’Éducation, chef du courant Un monde d’avance a franchi un cap dans la critique de l’exécutif. Pour Benoît Hamon, elle « menace la République ». Le porte-parole du gouvernement lui répond en lui indiquant la porte de sortie du PS.

Il y a des explications de vote qui sont encore plus dures que les votes eux-mêmes. Ce mercredi 22 octobre, sur les ondes de RFI, le député Benoît Hamon a justifié son abstention sur le volet recettes du projet de loi de finances 2015, et celle de 38 autres députés socialistes « frondeurs ». S’il n’annonce pas son départ du Parti socialiste, le chef du courant Un monde d’avance a marqué une nouvelle étape dans la critique de la politique gouvernementale.

« En matière sociale sous la même influence qu’en matière économique

« Parce qu’elle réduit les capacités d’intervention de la puissance publique », la politique du gouvernement telle que dessinée par le budget 2015 « menace la République », martèle le député des Yvelines. Il n’a pas fait mystère de la nature de cette menace : « C’est la préparation tout droit, comme on s’y prépare pour 2017, d’un immense désastre démocratique » avec « non seulement l’arrivée au second tour de la présidentielle de Marine Le Pen sans coup férir, mais en plus la menace que demain, elle dirige le pays. » Un scénario pris de plus en plus au sérieux par les gauches du Parti socialiste, comme cela a été dit dans leurs universités de rentrée respectives.

La sortie de Benoît Hamon n’est pas un coup de sang. Le parlementaire a publié, le 20 octobre dans Le Monde, une tribune intitulée « Il y a une alternative sociale à la politique de Manuel Valls ». Dans ce texte, il dénonce : « Ce gouvernement déroute par ses orientations économiques mais aussi par ses orientations sociales. Il est, je le redoute, en matière sociale sous la même influence qu’en matière économique : le dogme oppressant de la réduction des déficits publics et le verbe hypnotique qui commande de dépasser les tabous et d’embrasser la modernité. »

Signe de la tension qui règne au sein du PS, son premier secrétaire, Jean-Christophe Cambadélis, a critiqué sur RTL l’attitude « déplorable » et « pas loyale » de l’ancien ministre. Quelques minutes plus tard, sur une chaîne d’information en continu, le porte-parole du gouvernement Stéphane Le Foll a déclaré qu’il « n’accepte pas » les propos de son ancien collègue : « Qu’il soit cohérent ! S’il dit que c’est un problème démocratique qui en train de se poser, franchement, il a été deux ans et demi au gouvernement ! Il va trop loin. Il y a une limite qui a été franchie. »

« Moment de vérité »

Après les propos de Martine Aubry le week-end passé dans Le JDD et alors que de nouveaux députés socialistes ont rejoint la fronde en s’abstenant sur l’acte politique majeur que constitue le vote des recettes budgétaires, le PS est en plein psychodrame politique. Les déclarations matinales de Jean-Christophe Cambadélis et de Stéphane Le Foll témoignent de la crispation tant de l’Élysée que d’une rue de Solférino aux ordres. Une problématique soulignée par la maire de Lille, dans son interview au Journal du dimanche : « À gauche, nous aimons le débat, mais lorsque nous sommes au pouvoir, on l’oublie. Le débat n’est pas synonyme de fragilité, mais de vitalité. Le temps qu’on y consacre sera du temps gagné sur l’avenir. Les états généraux lancés par le Parti socialiste nous en offrent une occasion salutaire. »

Le flou entourant la date et la nature du congrès du PS, annoncée soit « fin juin 2015 » soit en « janvier 2016 », n’est pas étranger à ce regain de tension. Les gauches du PS ne cachent pas leur volonté d’en faire un « congrès de clarification sur la ligne politique ». C’est bien dans ce cadre qu’il faut resituer la double intervention de Benoît Hamon. C’est ce qu’explique Guillaume Balas, député européen et secrétaire général d’Un monde d’avance : « Nous arrivons au moment de vérité. Il faut que le PS réfléchisse sur sa nature profonde lorsqu’il exerce le pouvoir : sommes-nous un parti réformiste, qui transforme le réel, ou un parti aux valeurs républicaines qui est capable de mener des politiques libérales indépendamment du mandat qui lui a été confié par les électeurs ? C’est cette question qu’il faut trancher. »

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