Sommes-nous dans un temps de mutation anthropologique dans la culture et la communication ? Certains le disent. De nombreux repères traditionnels perdent de leur pouvoir, d’autres se présentent qui n’ont pas encore trouvé leur légitimité. La mise en service, le 6 décembre dernier, de Forum Planète, une chaîne encore confidentielle accessible par le câble et créée en quatre semaines seulement, interroge une fois encore quant à la rapidité du développement de ce secteur. En effet, l’offre de services télévisuels, bien que déjà importante, ne fait que commencer: elle laisse présager, non une saturation des réseaux car le nombre de canaux de diffusion mis à la disposition des opérateurs semble destiné à croître de manière exponentielle grâce au câble ou aux satellites, mais un certain encombrement dans le cerveau du téléspectateur-consommateur d’images du monde.
La révolution des médias ou » révolution de l’immédiat »
Comment préserver son quant-à-soi face au magma d’informations qui nous attend ? Même interrogation pour le réseau internet, destiné – malgré l’actuel sous- équipement des foyers français en ordinateurs – à de futures heures de gloire: le câble permet désormais d’acheminer indifféremment le réseau internet et les bouquets numériques via les satellites. Aux Etats-Unis, les sites web se consultent couramment sur les récepteurs de télévision, via le câble. En France aussi, à Nice, Nancy, Le Mans et bientôt Paris. Ce mélange des genres lié à la synergie des diverses technologies de l’information et de la communication vaut dans le sens inverse: CNN propose une information mondiale et mondialisée en temps quasi réel sur son site internet CNN-interactive. Au surfeur de cliquer sur le ou les domaines d’information de son choix.
Selon Francis Jutand (1), la révolution des médias ou » révolution de l’immédiat » est beaucoup plus large et n’en est qu’à ces prémices: » Vous serez bientôt – grâce aux satellites en relation avec le réseau terrestre – partout chez vous ou que vous soyez dans le monde ! J’ai des réunions de travail par courrier électronique, des conférences par téléphone, et je commence à ne plus savoir où se trouve le bureau de ceux avec qui je suis en relation, tout comme je commence à ne plus savoir qui a émis les informations sur l’internet ou les intranets, c’est-à-dire à ne plus savoir quelle est leur origine et leur validité. Les nouveaux moyens techniques permettent de simuler, de cloner, de transformer la réalité en représentations… Un monde à appréhender… ».
La mobilité des savoirs et des personnes via les satellites
Président du Club Planetcom au sein de l’association Prospective 2100 (2), Francis Jutand a lancé un appel international à un certain nombre de scientifiques dont les travaux pourraient apporter un éclairage à ce monde. » La production de richesse de l’ère industrielle provient du travail. L’enjeu est de savoir s’il y aura un jour une production de richesse de nature immatérielle qui elle même rentrera dans un processus économique. Si oui, comment et par qui ces partages d’expériences, ces échanges de savoirs, seront-ils monétarisés ? Comment ces richesses immatérielles vont-elles se répartir sur le globe ? Pour l’heure, il est important que les pays économiquement pauvres ne soient pas davantage handicapés et puissent avoir accès à ces nouvelles technologies, aux savoirs qu’elles sont à même de faire circuler « . Donc, aux acteurs actuels de poser les jalons de cette société cybermédiatique qui se dessine. Eric Zinovieff explique les conditions de la mise en place des satellites qui, d’ici cinq ans, permettront une couverture mondiale et la mobilité des savoirs et des personnes. Philippe Quéau propose d’utiliser le web pour diffuser gratuitement ce qui appartient aux domaines publics et le rendre par là même accessible aux citoyens du monde, sans distinction discriminatoire.
1. Directeur scientifique du Centre national d’études des télécommunications (CNET).
2. Prospective 2100 est une association qui réunit, autour de Thierry Gaudin, ingénieur général des Mines, et d’Hubert Curien, ancien ministre de la Recherche, des chercheurs et des professionnels concernés par les questions de l’avenir de la planète (48, rue de la Procession, 75015 Paris).
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