Elections régionales

Entretien avec Jean-Claude Sandrier

Voir aussi Deux millions de personnes Quels enjeux recouvrent les élections régionales de mars 1998 pour une région comme le Centre de la France ? Jean-Claude Sandrier, député communiste du Cher, ancien maire de Bourges, conseiller général, conseiller municipal de cette ville, enfant du pays, de mère bourbonnaise et de père berrichon, évoque cette échéance.

La gauche plurielle constitue des listes communes pour ces élections régionales. Quel sens accordez-vous à ce qui est aussi un premier accord national de premier tour, à gauche ?

Jean-Claude Sandrier : Cette décision, qui a été largement débattue, correspond à la situation nationale, celle d’une majorité plurielle à gauche qui vit bien sur le plan national mais dont il s’agit de se doter régionalement, face à une droite qui détient à l’heure actuelle la quasi-totalité des présidences – vingt présidences sur vingt-deux régions. Les listes d’union sont le meilleur atout dont nous disposons pour lui faire pièce et pour mettre en échec les prétentions dangereuses du Front national. Le rétablissement d’un réel équilibre politique est, j’en suis certain, souhaité par nos concitoyens. C’est également un objectif mobilisateur. Il s’agit de mettre en conformité l’état politique des régions avec la volonté nationale qui s’est exprimée en juin dernier. Le plus efficace pour y parvenir consiste à faire la démonstration que cette union réalisée à l’Assemblée nationale comme au gouvernement se trouve prête à vivre dans nos régions.

Ces listes communes ne risquent-elles pas de pâtir d’une tentation des électeurs de faire un premier bilan – insatisfaisant – de l’activité gouvernementale ?

J.-C. S.: Sans doute, une projection régionale est incontournable, compte tenu de l’importance des régions dans les relations avec l’Etat et des attentes des Français vis-à-vis de la gauche plurielle. Mais, jusqu’à présent, les électeurs ont considéré favorablement l’action gouvernementale. Même si, du point de vue communiste et, certainement, du point de vue d’une grande partie de la population également, des réformes importantes demeurent à engager. Alors, en pâtir ? Il s’agit au contraire d’embrayer sur une dynamique nouvelle. Elle va rencontrer un écho positif. A nous de montrer les enjeux de ces élections prochaines qui seront indéniablement une sorte de photographie nationale, la première élection majeure après l’arrivée de la gauche au pouvoir.

La représentation régionale a pris une importance particulière avec la décentralisation, mais pas seulement. Le pouvoir régional est réel aujourd’hui. Quels seraient les objectifs d’une liste de gauche ?

J.-C. S.: Depuis sa création, notre région Centre a toujours été positionnée à droite. Aujourd’hui, un besoin existe de renouveler la nature du pouvoir des décideurs. Une ère s’achève, un autre horizon s’ouvre. Comment placer notre Centre au coeur des événements de juin ? L’opportunité est offerte de réaliser cette transformation.

Comment caractériser la gestion de la droite dans la région ?

J.-C S.: Des  » coups  » sont réalisés dans certains domaines, une politique de l’emploi conforme aux desiderata du patronat a été menée, un manque d’exigences prévaut en matière de contreparties des aides publiques, une quasi-absence dans le domaine de la diversification de l’armement, un déficit d’initiatives, malgré les discours, entre le nord et le sud de la région, voire un écart qui se creuse entre l’axe Orléans-Tours et Bourges-Chateauroux: rien qui signale une volonté de développement réel. S’y ajoute un manque de contacts de la région avec d’autres régions, européennes ou mondiales, a contrario de ce qu’une gestion communiste avait engagé pour Bourges, de manière régulière.

Quels signes d’inflexion politique estimez-vous nécessaire de donner ?

J.-C. S.: Avant tout, de nouvelles pratiques démocratiques sont à instaurer. Dialogue et concertation, informations contradictoires, tout reste à entreprendre afin que la population du Centre devienne le réel décideur et possède pour cela les éléments d’analyse nécessaires à ses décisions. D’une part, en matière de diversification de l’armement, la région doit pouvoir apporter sa contribution active à une alternative. Jusqu’à présent, aucune initiative n’a été à la hauteur de cet enjeu considérable. Si bien qu’un département comme celui du Cher se trouve pénalisé. En liaison avec l’Etat qui a débloqué cinq cents millions de francs pour l’étude de projets de diversification et qui propose la création de comités de suivi régionaux, nous estimons être en mesure de proposer des solutions industriellement et socialement acceptables. D’autre part, sur la question du transport multimodal, notre région a des atouts à promouvoir, sur l’axe radial comme sur l’axe transversal. Dans la préparation du prochain contrat de plan avec l’Etat, il faudra veiller à inscrire le Centre avec ces ambitions-là: l’essor du pôle Orléans, Tours – mais aussi de celui Vierzon qui bénéficie d’un triage au croisement de deux lignes SNCF importantes, auxquels il faut ajouter l’aéroport de frêt de Chateauroux. Il s’agit de créer un troisième aéroport pour la région parisienne. Ce projet paraît raisonnable pour le trafic des voyageurs, mais en ce qui concerne le frêt, pourquoi se priver de l’apport de Chateauroux, à une heure et demie de Paris par le train ? L’aéroport et ses infrastructures peuvent accueillir tous types d’avions, avec les qualités d’un aéroport de niveau international. Il se trouve malgré tout complètement sous-utilisé. Ces deux grands dossiers sont porteurs d’intérêts publics à faire prévaloir.

Répercuter les objectifs nationaux sur la région, est-ce possible également en matière d’emplois pour les jeunes ?

J.-C. S.: La région doit développer cette politique d’emploi des jeunes, partout où elle est maîtresse d’oeuvre et s’attacher à créer des clauses sociales la favorisant. Il serait par exemple tout à fait imaginable de donner suite aux appels d’offre en fonction des emplois créés ou des formations proposées. En tant que communiste, au sein d’une majorité plurielle, telles sont les conceptions que nous pourrions faire avancer.

En matière d’intervention économique, en direction des entreprises, le rôle de la région s’avère d’ores et déjà notoire. Est-il conduit avec le souci de contrôler le respect de l’intérêt public, c’est une autre question…

J.-C. S.: La revalorisation des moyens démocratiques d’intervention tient compte de cette situation donnée. Le contrôle de l’affectation des fonds publics régionaux en est un élément incontournable. Ceux-ci doivent devenir de véritables outils de gestion. Est-il impossible de lier aide régionale et clauses d’efficacité ? Ce lien est devenu essentiel. Le saupoudrage d’argent public n’a eu jusqu’à présent qu’une efficacité limitée. En matière économique, la lutte contre les délocalisations se présente également comme possible et indispensable. En matière de formation, des réseaux sont à tisser à nouveau entre l’enseignement public, notamment le supérieur, la région et le secteur privé. Jusqu’à présent, le point de vue patronal a en effet largement prévalu. On le voit, la mobilisation des élus régionaux, sur tous ces points, s’impose. Ce niveau de décision politique ne rencontre-t-il pas les préoccupations quotidiennes de la population ?

* Député communiste du Cher, ancien maire de Bourges, conseiller général.

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *