Un collectif d’ONG documente les multiples violations des droits fondamentaux des migrants à la frontière séparant Grèce et Turquie. Il met en cause l’agence européenne Frontex, symbole d’une politique migratoire répressive conduit à une véritable hécatombe aux frontières extérieures de l’Europe.
Tandis que les migrants se heurtent toujours aux frontières grillagées de l’enclave espagnole de Melilla, un rapport du collectif d’ONG Frontexit, présenté le 23 mai à Bruxelles [[« Frontex. Entre Grèce et Turquie : la frontière du déni »]] – à paraître dans les prochaines semaines., vient rappeler les dérives d’une politique migratoire européenne plus que jamais obsédée par la « lutte contre l’immigration clandestine ». Les vingt-et-une associations, épaulées de chercheurs et de citoyens, ont enquêté durant un an sur les pratiques de l’agence européenne Frontex, qui coordonne l’action des États-membres en matière de contrôle des frontières extérieures de l’UE.
Le rapport des ONG donne un coup de projecteur sur les interventions conduites par l’agence entre la Grèce et la Turquie, l’une des frontières extérieures les plus surveillées d’Europe. Leur constat est sans appel : les actions menées par Frontex seraient à l’origine de « violations récurrentes des droits fondamentaux ». En cause ? D’abord, le reflux systématique des migrants, sur terre comme sur mer, contrevenant au droit d’asile et au principe de non-refoulement. Ensuite, un recours abusif à l’enfermement, sans respect des garanties procédurales en vigueur, et la multiplication de traitements considérés comme « inhumains et dégradants », autrement dit de violences physiques ou morales à l’égard des migrants.
Dissuader les migrants
« Les objectifs inscrits dans le mandat de Frontex en font un outil par nature dédié à la dissuasion des migrants, pour les empêcher d’atteindre l’UE avant même de savoir s’ils sont ou non en demande de protection internationale ou en danger », soulignent les associations. En conclusion, ces dernières interpellent le parlement et la commission européenne, dénonçant « l’incompatibilité du mandat de Frontex avec le droit international et le droit de l’Union européenne », et demandant la cessation pure et simple des activités de l’agence.
Pour les ONG, Frontex représente l’un des symptômes d’une gestion répressive de l’immigration qui s’est imposée dans les priorités européennes à partir du début des années 2000. L’agence, créée en 2004, est rapidement placée sous le feu des critiques, à mesure que s’accumulent des catastrophes maritimes qui font naître les interrogations sur son utilité réelle. En 2011, les instances européennes, contraintes et forcées, ont pourtant révisé le mandat attribué à Frontex pour intégrer la protection des droits fondamentaux dans les missions de l’agence.
« Frontex est le symbole des choix de l’UE »
Une réforme jugée « cosmétique » par les ONG. Au contraire, les moyens employés témoigneraient d’une tendance à la militarisation de la gestion des frontières de l’UE : chaque année, des dizaines d’avions, d’hélicoptères, de navires, et d’équipements tels que radars et caméras thermiques sont mobilisés par l’agence dans le cadre de ses opérations. Entre 2007 et 2012, le budget de Frontex est multiplié par quinze, pour atteindre 89 millions d’euros en 2014. Depuis décembre 2013, Frontex assure également le fonctionnement d’Eurosur, un réseau de communication destiné à renforcer la surveillance des frontières.
Mais derrière l’agence, c’est l’ensemble de la politique migratoire de l’UE qui est ciblée par les ONG. « Frontex n’est pas la cause de tous les problèmes », explique Claire Rodier, membre du réseau Migreurop et auteure en 2012 du livre Xénophobie business. « Frontex est le symbole des choix de l’Union européenne en matière de contrôle de ses frontières. Nous voulons travailler sur le long terme, poser le problème non seulement sur un plan juridique, mais aussi sur le plan politique. Les orientations actuelles sont extrêmement meurtrières ». Selon l’ONG United, depuis 1993, ce sont au moins 17.000 personnes qui sont mortes aux frontières de l’Union européenne.


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