La communication qui accompagne la politique du gouvernement Hollande-Valls n’a rien à envier, ou presque, à la stratégie des « éléments de langage » de la précédente présidence. Illustration avec le SAV du plan d’économies et « l’héritage » de Jaurès.
Pour vendre le plan d’économies à ses victimes ou se réclamer de Jaurès en dépit des évidences, tout est question d’enrobage, comme pour les pilules.
Grandes économies et petites gens
Objectif : mettre en avant le courage sans faille du président et de son gouvernement qui ne va pas sans une préoccupation sourcilleuse des « petits ».
Michel Sapin : « Nous savons que c’est une stratégie exigeante, qui demande du courage de la part de tous mais c’est une stratégie qui est à la mesure des enjeux. (…) Je comprends qu’on soit particulièrement sensibles aux petits, à ceux qui ont des petits revenus …Quand vous êtes à 800-900 euros de retraite, ce n’est quand même pas beaucoup. Est-ce qu’on doit essayer de faire un geste (sic) pour que ces petites retraites puissent augmenter au cours de l’année qui vient ? Je pense que c’est nécessaire, je pense que c’est possible. Dans le dialogue avec notre majorité, nous trouverons des solutions ». (France info 24/04/2014)
Manuel Valls : « [Il s’agit d’] un plan sans précédent qui nécessite de l’engagement, du courage et de la volonté. (…) Les salariés modestes, les classes moyennes, les retraités qui ont des pensions faibles, doivent participer à cet effort mais à proportion de leurs revenus et nous sommes très attentifs à ce que leur pouvoir d’achat ne s’érode pas » (visite d’usine à Saint-Lubin-des-Joncherets, 24/04/2014).
À l’UMP, on se gausse. Laurent Wauquiez : « On agite devant nos yeux une petite mesurette sur les retraites modestes. C’est un alibi ! Si rien n’est changé d’ici 2017, [les ménages français] vont payer 22 milliards chaque année d’impôts en plus et de prestations en moins. Le plan rackette les classes moyennes » (cité par Le Parisien.fr, 24/04/2014).
Retour en arrière. Janvier 2012 : l’UMP fait du « courage » son slogan de campagne. Nicolas Sarkozy : « C’est le courage qui donne la force d’agir. »
Au PS, on se gaussait. Michel Sapin : « Je ne trouve pas très courageux de faire en sorte que les Français et, particulièrement, les plus modestes, les classes moyennes (…) voient diminuer leur pouvoir d’achat. [Avec la TVA sociale] on tape sur les plus faibles, sur ce qu’il y a de plus facile à taper ». (29/01/2012).
Hollande, ventriloque de Jaurès
Objectif : faire parler les morts, se concentrer sur le message « Il aurait soutenu la politique actuelle du gouvernement ». En trois points dans le discours de François Hollande à Carmaux le 23 avril pour le centième anniversaire de la mort de Jean Jaurès.
1. Aller très vite sur le socialisme. Ne prononcer le mot qu’une fois et pour dire ceci : « Jaurès était un socialiste mais… ». Le président Hollande n’est-il pas lui aussi « un socialiste mais… » ?
2. Insister sur sa lutte contre les impatients. « Aux impatients – que je comprends – je réponds aussi avec Jaurès : « L’histoire enseigne la difficulté des grandes tâches et la lenteur des accomplissements mais elle justifie l’invincible espoir », c’est-à-dire l’espoir de la réussite. Aux empressés qui, à l’époque de Jaurès, prêchaient – il y en a toujours – les grands bouleversements, comme aux dévots qui attendaient le surgissement soudain d’une lumière pour attendre le progrès, que leur répondait Jaurès ? Il enseignait la patience de la réforme, la constance de l’action, la ténacité de l’effort. Ce sont ces qualités, constance, patience, ténacité, volonté que nous avons aussi à démontrer aujourd’hui ».
3. Et le présenter comme un adepte du « grand compromis » social. « Restaurer notre base économique, améliorer l’offre de production, soutenir autant qu’il est possible la demande à travers une consommation populaire. C’est ce que nous faisons à travers ce pacte que j’ai proposé. C’est un compromis, un grand compromis. Un compromis avec les patronats ? Non, un compromis avec l’entreprise et tous ceux qui y concourent. (…) Voilà, le compromis dont nous avons besoin pour la croissance, pour la création de richesse, pour sa répartition pour l’emploi. Et c’est d’être fidèle à l’esprit de la réforme, à l’esprit de la conquête, à l’esprit de l’ambition que Jaurès pouvait avoir en son temps, que de proposer ce chemin-là ».
Évidemment, nul n’est à l’abri d’une fausse note.
Petit retour en arrière.
Dans le film de Robert Guédiguian, Les Neiges du Kilimandjaro (2011), Michel, interprété par Jean-Pierre Darroussin, cite Jaurès « [le courage c’est] de ne pas subir la loi du mensonge triomphant qui passe, et de ne pas faire écho, de notre âme, de notre bouche et de nos mains aux applaudissements imbéciles et aux huées fanatiques ».


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