Mortifié par le rejet de sa réforme-rétrécissement de l’Inspection du travail, le ministre veut désormais le faire passer par décret. Selon une conception toute particulière du « dialogue social », qui figure pourtant dans l’intitulé de sa fonction…
Le ministre du Travail, Michel Sapin, s’était déjà fait remarquer en supprimant les élections prud’homales. Il s’est ensuite engagé dans une brillante réforme de l’Inspection du travail. Regards a déjà relaté ce bijou technocratique qui consiste, notamment, à retirer des agents sur le terrain pour créer une nouvelle couche hiérarchique. Il faut dire qu’avec 2.250 fonctionnaires pour 1,8 million d’entreprises, l’urgence était évidemment d’alléger les procédures de contrôle. Cette réforme, intégrée au projet de loi relatif à la formation professionnelle, figurait comme l’article 20 dans la procédure de discussion parlementaire. Coup de théâtre, le 20 février 2014, 201 sénateurs sur 348 ont voté contre l’adoption de cet article 20 réformant l’inspection du travail.
Le revers est tel que la commission mixte des deux chambres a renoncé à réintroduire cet article dans le texte final, soumis à l’Assemblée Nationale et voté le 27 février 2014 par celle-ci. Cette nouvelle situation est une victoire pour les organisations syndicales majoritaires qui ont dénoncé depuis des mois l’absurdité et la nocivité de cette réforme. Au cours de la discussion parlementaire, de nombreux députés et sénateurs ont dénoncé « le déficit d’écoute », « le déficit démocratique », ou encore « un dialogue social insuffisant ».
Le décret plutôt que le dialogue
Michel Sapin, pourtant clairement désavoué par les parlementaires, persiste et signe. Au ministère du Travail, on assure qu’il s’agit d’une « péripétie ponctuelle » et que l’objectif reste une entrée en vigueur de la réforme au 1er janvier 2015. Lors du vote de son projet de loi à l’Assemblée, Michel Sapin a annoncé pour « les prochains jours des propositions de méthode et de calendrier pour cette réforme qui continuera à se faire dans le dialogue ». Le couperet étant tombé, puisque la voie législative est désormais impossible, c’est donc par simple décret que s’opérera la réforme. Reconnaissons que la méthode est pratique, elle permet de s’affranchir de toutes discussions : un véritable coup de maître pour celui qui est aussi le ministre du Dialogue social.
Dans un communiqué commun, quatre organisations syndicales (CGT, Sud, FO, SNU-FSU) qui représentent près de 70% des voix parmi les inspecteurs et contrôleurs du travail dénoncent l’acharnement du ministre : « Pire, en réponse à cette leçon de démocratie, le ministre a décidé de transcrire l’organisation structurelle de l’inspection du travail dans un décret à soumettre aux représentants syndicaux lors d’un comité technique ministériel du ministère du travail qui doit se tenir le 14 mars, soit moins de deux semaines après le rejet du texte par le parlement ! C’est une véritable provocation de la part du ministre, qui foulant aux pieds la volonté exprimée par le vote des élus de la nation, entend coûte que coûte respecter le calendrier de la mise en place de sa réforme, peu importe qui se met en travers de son chemin ! ».
Au ministère du travail, la mobilisation se poursuit, mais voilà qui en dit long sur la prétendue méthode « social-démocrate » du gouvernement.
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