Théâtre : « Paris nous appartient », ou comment mettre la ville en pièce

Le spectacle mis en scène par Olivier Coulon-Jablonka entremêle les transformations de Paris au XIX° siècle et la construction de l’actuel Grand Paris. À voir de toute urgence, jusqu’à dimanche, au Théâtre de l’Échangeur.

Sur la scène de L’Échangeur, deux histoires se nouent : celles des petits barons qui veulent s’en « mettre jusque-là » et se grisent dans La Vie parisienne d’Offenbach, et celles d’une troupe désargentée qui entend s’amuser dans le Paris d’aujourd’hui tout en préparant un spectacle sur les transformations en cours. S’ensuivent des ricochets de situation, les opportunistes d’hier prenant les traits des urbanistes et promoteurs « du territoire ». Les baronnes roucoulent, les comédiennes minaudent dans les bras des nouveaux parvenus. Un serviteur passe en arrière-plan et promet que la prochaine fête sera encore plus réussie que la précédente. Comprendre que les bulles (de champagne et immobilières) seront plus grosses et piquantes au XXIe siècle qu’au XIXe siècle. Le spectacle s’achève par un texte magnifique sur la défaite de la Commune. Les boulevards qu’occupent les Versaillais sont ceux-là mêmes que vient d’ouvrir le baron Haussmann.

La mise en scène est d’une efficacité tranchante, les acteurs (tous bons) se glissent dans les différents rôles grâce à des enchainements situation plein de drôlerie et de significations. On s’amuse beaucoup dans ce spectacle. Les dents grincent aussi. Les élus de Saint-Denis sont aux prises avec les limites de leur mission : agir dans un contexte dont ils ne tiennent pas les ficelles.

C’est peu dire que le message proposé par cette pièce est caustique, critique : la construction du Grand Paris ne serait ni plus ni moins qu’une redite de la grande défaite de 1871. C’est là que le débat pourrait s’ouvrir. Le texte lu en épilogue de la pièce raconte par le menu les conditions de la défaite de la Commune. C’est quartier par quartier que la Commune fut battue. On peut penser qu’aujourd’hui prévenir une nouvelle bérézina repose précisément dans le fait de se coaliser à la bonne échelle, celle de la métropole, pour faire prévaloir une autre politique.

Le mérite de cette pièce est en tout cas de poser sur le fond les termes d’une question toute contemporaine. Elle le fait avec profondeur et légèreté. C’est un régal.

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