Europe Écologie-Les Verts a tenu samedi 8 février un Conseil fédéral. Dans un contexte politique de recul du gouvernement sur des thématiques de gauche, la question de la participation au gouvernement se pose une nouvelle fois. Entretien avec Emmanuelle Cosse, secrétaire nationale d’EELV.
Regards.fr: Vous avez plaidé lors de ce Conseil fédéral pour une « participation combative » au gouvernement. C’est-à-dire?
Emmanuelle Cosse: Nous avons fait le choix de participer à ce gouvernement et nous ne sommes pas sur l’idée d’un va-et-vient permanent entre le dedans et le dehors. On y est et on l’assume. À partir de là, nous nous battons pour tenir les engagements sur lesquels nous avons été élus. Nous voulons être force de proposition. C’est cela que j’appelle une participation combative. Tout récemment, nous nous sommes clairement positionnés sur la loi sur la famille [[au lendemain de l’annonce du report de l’examen de la loi, Emmanuelle Cosse avait déploré un « renoncement consternant » suite à la «mobilisation du camp réactionnaire».]] et nous voulons travailler au contenu du pacte de responsabilité [[Lors du Conseil fédéral de ce week-end, EELV a produit une motion «Pour un pacte de responsabilité écologiste et social» dans laquelle il est notamment écrit que «Le Conseil fédéral d’EELV réuni le 8 et 9 février exprime une opposition ferme à l’orientation économique environnementale et sociale de la politique gouvernementale telle qu’elle a été exprimée par François Hollande lors de sa conférence de presse de janvier».]]. Jusqu’à la fin, nous voulons travailler sur le contenu. Il faut aussi bien mesurer que sans cette participation, la moitié des amendements que nous proposons à l’Assemblée et au Sénat ne passerait pas. Le fait d’être au gouvernement nous donne une capacité de négociation et je pense que c’est parce que nous avons un pied dans le gouvernement que nous pouvons parvenir à faire bouger des choses.
Pourtant, la volonté d’EELV, exprimée lors du Conseil de ce week-end, d’être «totalement intransigeant» sur la loi de transition énergétique pourrait résonner comme une menace de départ adressée au chef du gouvernement…
Encore une fois, notre participation est là et nous souhaitons dans ce cadre défendre un certain nombre de choses. Mais personne ne sait jusqu’à quand cela durera. La loi sur la transition énergétique est pour nous extrêmement importante et nous tenons à ce que l’ensemble des engagements que François Hollande a pris durant la campagne soient tenus. La France doit enclencher sans tarder un processus de décroissance sur le nucléaire. Cela passe par la fermeture de Fessenheim, par le respect de l’échéancier annoncé sur 2025 [[lors de sa campagne présidentielle, François Hollande s’était engagé à une réduction à 50% de la part du nucléaire dans la production énergétique française d’ici à 2025. Une promesse réitérée début décembre pour répondre aux doutes exprimées par Anne Lauvergeon, l’ancienne présidente d’Areva.]]. On ne veut plus d’EPR… Il y a toute une bataille à mener sur la question de l’efficacité énergétique. Et il est clair que cette question pourrait constituer un motif de rupture avec le gouvernement.
Pacte de responsabilité, recul sur la loi de la famille… Le grand écart entre la participation à un gouvernement qui ne brille pas vraiment par la mise en œuvre d’une politique de gauche et les positions plus marquées d’EELV sur ces sujets, n’est-il pas un peu douloureux ?
Je réfute l’idée selon laquelle EELV fait le grand écart. Il est incroyable que ce soit à nous que l’on demande sans cesse d’être les marqueurs de gauche du gouvernement ! Il faut, je crois, faire la différence entre Hollande et le gouvernement d’un côté, et le PS de l’autre. Car les premiers trahis par le recul sur la loi sur la famille ce sont les socialistes, pas Les Verts! Le vrai sujet est de savoir comment les socialistes sont de gauche… Il y a au sein du PS, pour aller vite, un clivage entre une ligne disons social-démocrate et une autre social-étatiste. C’est un fait, mais je ne me résous pas pour autant à penser que nous ne pouvons pas gouverner avec eux. La question, c’est de savoir si, oui ou non, nous renonçons à exister pour les vingt-cinq ans qui viennent… Parce que le Grand soir, pour l’instant, ne se traduit pas électoralement.
Comment peser sur les politiques gouvernementales, et quelle place occuper à gauche, dans ce contexte ?
Sans être dans la compromission, ni dans le reniement de nos valeurs, nous voulons allumer un certain nombre de signaux quand le PS gouverne. Nous pourrions demain participer à une alternative à gauche, mais je considère qu’aujourd’hui, dans cet espace, les organisations ne sont pas suffisamment forces de proposition. Je le regrette et l’un de nos problèmes, justement, c’est qu’il n’y a pas de ministre Front de gauche au gouvernement ! Je réfléchis, avec d’autres, à ce que pourrait être une autre politique de gauche. Mais il faut vraiment sortir d’une vision binaire des choses. En attendant, nous sommes dans un gouvernement et nous assumons l’idée que ce gouvernement doit réussir.
Qu’attendez-vous des élections municipales?
Clairement, nous comptons sur ce scrutin pour modifier le rapport de force actuel avec le PS, qui découle de l’élection présidentielle de 2012. On part de loin, donc ça ne devrait pas être très compliqué… D’autre part, il s’agit bien sûr de renforcer notre nombre d’élus. Dans les villes de plus de 30.000 habitants, nous partons aujourd’hui à 51 % au soutien d’une tête de liste PS, à 35 % en autonomie, à 7,5 % au soutien d’une tête de liste PC, à 1,5 % au soutien d’une liste PG et à 0,5 % au soutien d’une liste Modem. Dans notre parti, ce type de décisions se prend localement, avec des stratégies locales. Nous sommes bien sûr très prudents, mais les projections dont nous disposons dans les villes où nous sommes en autonomie nous donnent plus d’élus que nous n’en avons pour l’instant. Et cela correspond aux retours que nous avons du terrain. Nous espérons donc nous renforcer à l’issue de ces municipales.
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