Banques : Bercy « débordé » par Bruxelles… sur sa gauche

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Le projet de directive européenne sur la réduction des risques liés au secteur bancaire, et à la séparation des activités de détail et des activités spéculatives, déplaît au ministère de l’Économie qui défend sa loi de juillet dernier, plus complaisante avec les banques…

Se faire doubler sur sa « gauche » par la Commission européenne, c’est l’exploit qu’a, une fois de plus, réalisé le gouvernement de François Hollande. Le projet du commissaire européen au Marché intérieur – et membre de l’UMP – Michel Barnier visant à réduire le risque dans le secteur bancaire a en effet été très mal accueilli par Bercy la semaine dernière. Le ministre de l’Économie Pierre Moscovici n’a d’ailleurs pas attendu la présentation officielle des propositions, mercredi, pour mettre en garde contre toute velléité de régulation un peu consistante. « La France et l’Allemagne ont déjà légiféré en la matière, avait-il rappelé dès lundi. Nous demandons que le texte respecte les législations que nous avons prises ».

Des idées « irresponsables »

Mercredi, le gouverneur de la Banque de France Christian Noyer a également fait savoir sa désapprobation à l’égard de ce texte… il est vrai plus tranchant (ce n’était pas difficile) que celui voté par la France : « Les idées qui ont été mises sur la table par le commissaire Barnier sont des idées, je pèse mes mots, qui sont irresponsables et contraires aux intérêts de l’économie européenne ».

Quelles sont donc ces idées « irresponsables » que balance ce fou furieux de Barnier ? Inspirée de la « règle Volcker » adoptée aux États-Unis, la première mesure clé consiste à interdire purement et simplement aux banques de faire du trading pour compte propre, alors que la loi française les oblige seulement à filialiser ces opérations. Toutefois, étant donné que ce type de spéculation représente une part minime de leur activité, ce n’est pas ce volet de la réforme qui dérange le plus les financiers. C’est la deuxième mesure qui les affole, puisqu’elle donne aux régulateurs nationaux le pouvoir d’imposer le cantonnement, dans une filiale séparée, de certaines activités de marché jugées risquées, y compris la « tenue de marché » – consistant officiellement à acheter des titres afin d’assurer la liquidité des marchés pour les clients, mais qui abrite le plus souvent des transactions spéculatives.

Une séparation douloureuse

Il faut dire que, du point de vue de Bercy, tout l’intérêt de légiférer dès juillet 2013 était précisément de devancer la Commission et d’imposer une loi de « séparation bancaire » qui ne sépare rien, ou presque. Le lobby bancaire, qui avait commencé à s’activer dès le lendemain du discours du Bourget sur la finance « adversaire sans visage » du candidat Hollande, croyait avoir désamorcé pour de bon le risque d’une véritable régulation et n’apprécie donc pas du tout ce regain de zèle de Bruxelles. Car en l’état, la réforme de Barnier obligerait bel et bien les trente grandes banques européennes, parmi lesquelles BNP Paribas et Société générale, à créer une filiale ad hoc, laquelle devrait disposer de coûteux fonds propres.

Qu’on ne s’y méprenne pas, les initiatives de Michel Barnier sont loin d’être révolutionnaires : jamais il n’a été question, pour lui, de vraiment séparer les activités utiles de la banque de détail des activités spéculatives de marché, comme le recommandent des gauchistes notoires tels que Nicolas Baverez, Kenneth Rogoff ou Alan Greenspan. Il est donc d’autant plus perturbant de voir Bercy s’empresser de prendre la défense des intérêts financiers face à cette tentative – somme toute des plus modestes – d’éviter ou plutôt de feindre d’éviter une répétition du cataclysme financier de 2008.

Ce n’est cependant pas la première fois que notre ministère de l’Économie se révèle plus pro-finance que la Commission européenne de Manuel Barroso. Jugeant « excessive » la proposition de taxe Tobin sur les transactions financières de Bruxelles, Pierre Moscovici a pesé de tout son poids en octobre dernier pour épargner le trading de haute fréquence lors du débat sur la loi de finances 2014. Logiquement, nous devrions bientôt l’entendre demander le rétablissement intégral des bonus, et faire l’éloge de cette « juste rémunération des talents ».

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