Urbanisme

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Entretien avec Paul Chemetov Les premiers Rendez-vous de l’architecture se sont tenus à Paris dans la Grande Halle de La Villette, les 2 et 3 octobre derniers. L’ouverture de l’architecture à tous devient une priorité. L’architecte réintègre la cité.

Le discours est efficace et chaleureux; il s’adresse aux usagers des villes, à travers des professionnels et des étudiants qui s’étaient déplacés de toute la France pour assister aux exercices rhétoriques des têtes pensantes du métier, et parfois se faire entendre. La ministre de la Culture, qui, début septembre, confiait à François Barré – outre la direction de l’Architecture dont il avait déjà la charge depuis mars 1996 – celle du patrimoine, a insisté quant au bien-fondé du mariage de ces deux directions:  » L’architecture ne peut se réduire à une fabrique d’objets solitaires, je préférerais dire qu’ils sont solidaires « , propos repris par François Barré qui a demandé aux professionnels de se tourner désormais vers l’architecture de l’ordinaire et les préoccupations urbaines des citoyens, de collaborer avec tous les intervenants dans la ville et de se mettre au service des élus.

Des propos nouveaux dans la bouche de celui qui est l’un des défenseurs de l’architecture contemporaine et de l’esthétique du chaos (1). La large médiatisation des grands projets lancés par François Mitterrand, la soudaine promotion d’une poignée d’architectes français au rang de stars (notamment Jean Nouvel avec l’Institut du monde arabe et l’Opéra de Lyon, Christian de Portzamparc avec la cité de la Musique et Dominique Perrault avec la Bibliothèque nationale de France) aurait-elle contribué à ce soudain engouement des professionnels pour les concours via la commande publique et participé à leur désintérêt pour des travaux moins visibles ? Catherine Trautmann propose une série de dispositions financières et réglementaires afin d’insuffler de l’oxygène en compensation de la baisse des commandes publiques et privées: nombre de communes épongent encore les dettes générées par des équipements prestigieux et surdimensionnés; nombre de promoteurs se mordent les doigts d’avoir investi dans la construction de bureaux. La ministre – outre une réforme de l’enseignement de l’architecture, à la rentrée 1998: celle-ci bénéficiera de moyens supplémentaires et communiquera avec l’enseignement universitaire – propose aux professionnels de se tourner vers le marché de la maison individuelle et de la réhabilitation (deux tiers des constructions se font sans eux), et de l’exportation (un chiffre d’affaire qui stagne autour de 2% alors que le BTP français est le 3e exportateur mondial).

Les Français face à l’architecture contemporaine

Un futur corps d’architectes-conseils de villes aurait la mission de réinscrire l’architecte dans la cité. Ils devraient assurer des missions d’expertises auprès des élus qui le souhaitent et remplir un rôle de sensibilisation auprès du public. Car l’ouverture de l’architecture à tous devient une priorité:  » Parcourir la ville, connaître ses monuments, ses rues et ses espaces d’habitation, c’est apprendre à la fois la citoyenneté et l’histoire d’une création « . Des discussions sur la généralisation des enseignements artistiques à l’école auraient déjà eu lieu avec Claude Allègre. La transformation de l’actuel Institut français d’architecture, qui devrait bientôt entrer dans les murs du Palais de Chaillot, a été confiée ( » afin de réconcilier mémoire et projet sous une même bannière « ) à l’historien Jean-Louis Cohen. Des  » semaines nationales des villes et de l’architecture « , des aides à l’édition, la création d’une  » librairie de l’architecture et de la ville  » sont aussi au programme. Ces mesures de vulgarisation s’avèrent indispensables au regard d’un récent sondage effectué par l’Ipsos pour le Monde (2), auprès de 996 personnes. Les chiffres sont édifiants. Ils montrent à quel point les Français et la fabrication des villes se méconnaissent: si 18% d’entre eux reconnaissent les grands projets des années 80, ils sont 50% à voir dans le patrimoine la  » vraie  » architecture mais ignorent toutefois qui a construit quoi. On aurait pu croire que les stars du métier, très médiatisées depuis une dizaine d’années, aient retenu l’attention du grand public; mais non. Seulement 2% citent Jean Nouvel de mémoire. Ils placent Le Corbusier en tête de liste (18%), et le Barcelonais Ricardo Bofill (concepteur du quartier d’Antigone à Montpellier, et de la place de Catalogne à Paris), contre toute attente en second ( 4%). Les autres n’existent pour ainsi dire pas. Les Français pensent l’architecture récente, tous domaines confondus, de meilleure qualité mais ne l’associent pas pour autant aux architectes. Domaine réservé aux promoteurs ? Quant à la question: si vous aviez à décider de travaux dans votre ville, à quoi donneriez vous la priorité ? 37% répondent les écoles, 31% les espaces verts, 18% la périphérie des villes… Des réponses explicites, très éloignées des tendances corporatistes qui ont souvent noyé les débats des Rendez-vous de La Villette; une vision de la ville dont Marc Guillaume, professeur d’économie à Paris-Dauphine, et Nicolas Rialan, président de l’association  » La Bellevilleuse « , ont été les porte-parole. Une attente qui va incontestablement dans le sens de  » la cité  » telle que l’envisage Catherine Trautmann. Mais les orientations de la nouvelle direction de l’architecture et du patrimoine seront-elles bien reçues et mises en pratique par les 36 000 maires devenus, depuis la loi de décentralisation, les décideurs incontestés de leur territoire ? .

La ville est géographie, espace de façonnage des hommes, espace façonné par eux. Et Paris est l’un de ces espaces au monde parmi les plus rêvés, les plus convoités, les plus historiés. Bernard Rouleau vient d’en faire une monumentale histoire, qui vient après d’autres études (le Tracé des rues de Paris et Villages et faubourgs de l’ancien Paris), de la ville gauloise à l’opération Seine rive gauche dominées par La Bibliothèque nationale de France.

Paris, histoire d’un espace, éditions du Seuil, 1997, 491 p., 245F.

1. François Barré s’est largement impliqué dans le projet urbain d’Euralille.Il préside l’Institut français d’architecture qui propose actuellement une exposition sur l’esthétique des zones commerciales.Il est aussi à l’origine du Parc de la Villette.

2. Dans le numéro daté du 1er octobre.

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