Sur les murs d’Aida Camp

Ce que racontent les murs d’un camp de réfugiés. Quelques images à Bethlehem.

Il y a Le mur. Celui dont l’existence est condamnée depuis juillet 2004 par la Cour de justice internationale, et qui est devenu en quelques années le symbole mondial de la politique d’apartheid israélienne et de l’occupation de la Palestine.
Sur ce mur-là, l’artiste Banksy a réalisé quelques unes de ses œuvres les plus fameuses. On peut les retrouver sérigraphiées sur des sacs de jute, des cartes postales et des posters, en vente dans les petites boutiques de Bethlehem, entre bondieuseries par milliers, falafel croustillants et kheffieh made in Hebron.




Il y a de beaux grafs sur le mur de séparation et rares sont ceux qui dénigrent sa vocation de fresque. Abdelfattah Abusrur, directeur du centre Al Rowwad [[lire notre article: «A Bethlehem, la « belle résistance » persistante d’Al Rowwad».]] implanté au cœur du camp de réfugiés d’Aida à Bethlehem, est un de ceux-là. Pour lui, le mur est «moche et illégal et il doit le rester». Approche intéressante. Il préfère, lui, y projeter des films qui, une fois leur œuvre de sensibilisation accomplie, s’effacent et remettent le mur à la place qui est la sienne: celle d’une immonde balafre grise.

Une balafre qui borde le camp d’Aida, également voisin du très luxueux hôtel Intercontinental, à la lisère de la ville. Créé en 1950, Aida fait partie des 19 camps de réfugiés mis en place dans l’actuelle Cisjordanie au lendemain de la guerre de 1948-49 [[en tout il existe 59 camps de réfugiés palestiniens reconnus par l’agence des Nations Unies pour les réfugiés palestiniens (UNRWA) créée au lendemain du conflit: en plus des 19 de Cisjordanie, on en compte 12 au Liban, 10 en Syrie, 10 en Jordanie et 8 à Gaza. On peut y ajouter 3 autres détruits au Liban et 3 autres non reconnus par l’UNRWA en Syrie.]]. 6000 habitants y vivent aujourd’hui. Les deux tiers ont moins de 18 ans, 70 % sont sans travail. Et tous ont une longue pratique des murs. Car bien avant de voir des street-artists plus ou moins improvisés du monde entier venir s’exprimer sur Le mur, les réfugiés d’Aida s’étaient déjà occupés de gribouiller les leurs qui sérient le camp et bordent ses ruelles étroites.

Passer de l’un aux autres, c’est s’offrir un voyage graphique dans les cinquante dernières années de la lutte palestinienne: hommage aux martyrs, célébration de l’Intifada, évocation du Droit international, interventions bruyantes des militants internationaux… Avec en plus quelques « I love Palestine » ou « Real Madrid ». Et deux figures récurrentes: une date, 1948, celle de la Nakba; et un personnage, Handala, ce petit bonhomme symbole du réfugié palestinien, bien connu dans le monde arabe, avec ses bras croisés dans le dos, créée en 1969 par le dessinateur Naji Al-Ali. Un dessinateur de presse palestinien né en 1936 et tué en 1987 à Londres – probablement par le Mossad. Naji Al-Ali dont on aurait bien aimé voir ce qu’aurait pu donner sa rencontre avec Banksy sur un bout de mur.

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