Ce sont les deux « fictions » les plus courtes de cette rentrée littéraire : une soixantaine de pages chacune. Toutes deux parlent de l’Histoire, de ceux qui la font puis qui la subissent. L’idée d’épuration est commune à ses deux récits épurés.
Le Chemin des morts de François Sureau se situe dans les années 80, à cette époque où « le manège français tournait depuis cinquante ans, avec ses chevaux de bois fatigués, aux têtes de résistants, de collaborateurs, de flics et de trotskystes : on pouvait désormais en descendre et partir à l’aventure ». Un jeune juriste doit alors statuer sur la demande d’asile politique d’un ancien militant basque. Il va alors découvrir ce que le droit contient de tragique. Sous prétexte que l’Espagne est devenue démocratique, il refuse la demande. De retour au pays, le militant qui avait depuis longtemps rendu les armes, est abattu par l’un des « escadrons de la mort » du GAL. On ignore ce que cette confession a d’autobiographique, et François Sureau se garde bien de nous le dire. Mais jusque dans sa brièveté qui contredit la sècheresse, cet apologue fait songer à ce qu’on appelle en droit un recours en grâce.
Autre apologue, celui de Maël Renouard qui se passe en Chine durant la Révolution culturelle. « Mao enseignait : « De deux choses l’une : ou bien l’on est un écrivain, un artiste bourgeois et alors on n’exalte pas le prolétariat, mais la bourgeoisie ; ou bien l’on est un écrivain, un artiste prolétarien et alors on exalte non la bourgeoisie, mais le prolétariat et tout le peuple travailleur ». Selon cette doctrine, un enseignant en littérature, d’extraction bourgeoise, est chargé de dépoussiérer les opéras chinois et d’en composer de nouveaux « sans empereurs et damoiseaux, mais avec des ouvriers, des paysans et des soldats ». Mais la roue tourne ; et tournera encore. Le modernisateur sera bientôt jugé et écarté pour ses déviances idéologiques. Vingt ans plus tard, à l’approche de sa mort, il découvre que ses opéras modèles sont de nouveau appréciés, et ce, jusqu’en Amérique ! Dans ce bref récit, plus documenté qu’il n’y paraît, Maël Renouard parle à la fois de la Chine (« Notre pays est un immense navire ; trois mots murmurés sur la passerelle décident d’un changement de cap ») et de la condition de l’artiste, dont le succès varie au gré des modes, de la politique et de la nostalgie du public.
Le chemin des morts, François Sureau, ed. Gallimard, 7,50 €.
La réforme de l’opéra de Pékin, Maël Renouard, éd. Rivages, 5,10 €.

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