Diaz, socialisme ou barbarie

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Douze ans après les faits, Diaz – Un crime d’État de l’italien Daniele Vicari, revient sur l’assaut sanglant mené à l’issue du G8 de Gênes par les forces de sécurité italiennes contre la centaine de militants alter mondialistes réunis dans un établissement scolaire de la via Battisti. Un film en colère qui dénonce, à travers la brutalité insoutenable des agents d’Etat, la prégnance du passé fasciste de l’Italie contemporaine. A voir de toute urgence.

C’était il y a douze ans. Une éternité au regard de l’actualité médiatique, mais un passé encore proche pour toutes celles et ceux qui ont suivi, de près ou de loin la contestation civile au G8 de Gênes. On se souvient que dès le début du contre-sommet Carlo Giuliani, fils de syndicalistes, avait trouvé la mort dans une manifestation, tué à bout portant par un carabinier, comme il fut démontré dans le documentaire que Francesca Comencini consacra à l’événement dans l’année qui suivit. On se souvient aussi que la ville, qui accueillit plus de 300 000 contre manifestants venus de tout l’Europe, aura été le théâtre de l’action radicale des groupes blacks blocs, en marge des manifestations pacifiques. De tout cela, les archives du Forum Juridique de Gênes ont gardé la trace, notamment via un millier d’heures d’images vidéo et de photos prises par les dizaines de caméramen et photographes, professionnels ou amateurs présents sur place. Mais de l’assaut de l’école Diaz, qui se déroula de nuit, alors que le sommet avait pris fin et que la plupart des militants encore présents s’apprêtaient à quitter la ville, il ne reste que les témoignages de celles et ceux qui y furent raflés, tabassés, torturés, humiliés, sur place puis dans la caserne de police de Bolzaneto. Et c’est là la moindre des qualités du film de Daniel Vicari de faire ressurgir par le biais de la fiction et de la reconstitution l’horreur qui se déroula alors.

Evitant l’écueil du manichéisme Daniele Vicari prend soin d’offrir au spectateur une multiplicité de points de vues, tant du côté des militants que du côté de la police, et choisit de déjouer à chaque fois le cours prévisible de son film. Si ce dernier s’ouvre par une confrontation entre Blacks Bloc et forces de l’ordre, Vicari introduit immédiatement un personnage de commandant d’unité de gardes mobiles qui refuse de répliquer aux manifestants dès lors que les conditions de sécurité ne le permettent pas. Il n’est donc pas question de brosser un portrait caricatural des forces de l’ordre. Par contre ce que le réalisateur réussit à mettre en place progressivement c’est l’escalade de la tension côté policier, organisée voire encouragée par les dirigeants depuis leur bureaux de la préfecture, manipulant leurs propres effectifs, choisissant de rester sourds aux recommandation des hommes de terrain, contournant enfin les procédures normales pour arriver à leur fin.

Ayant construit sa structure narrative à la façon d’un labyrinthe à l’intérieur duquel viennent se perdre les personnages Vicari ne s’égare pourtant pas au point de ne plus distinguer les victimes des bourreaux.  A ce titre le film ne tremble pas lorsqu’il s’agit de mettre en image la violence qui s’abattit sur les occupants de l’école, au point que les séquences peuvent devenir aussi insoutenables que la réalité qu’elles décrivent. S’il ne s’agissait que d’une explosion de violence ultra celle ci aurait été facilement circonscrite dans le film, mais l’horreur se poursuivra plusieurs jours, au point de la transformer en un enfer pour les militants qui la subirent. C’est ici, par delà le spectacle du film que Diaz prend toute sa dimension politique et historique en mettant en scène l’expression d’une barbarie institutionnelle, d’un fascisme en action où l’ensemble des barrières démocratiques à la violence, c’est à dire la loi, aussi injuste soient elle, aura été abolie.

Il va s’en dire que le procès qui s’ensuivit permet de douter de la capacité de l’institution démocratique italienne à faire en sorte que ces évènements ne se reproduisent jamais. Car au bout de 10 ans de procédure ne furent condamnés que 27 des 300 policiers ayant participé à l’opération de l’école Diaz, et 44 autres pour les exactions commises par la suite dans les locaux de la police, les fait les plus graves n’ayant pu être retenus à cause de l’absence de la torture comme crime dans le système judiciaire italien ! Quand la démocratie faillit à ce point se pose alors pour tout spectateur du film et tou(te)s citoyen(ne)s informé(e)s de ce qui se passa le 21 juillet 2001 via Battisti à Gênes, la question de savoir dans quel camp il se situe, l’alternative ayant déjà été posée : socialisme ou barbarie ?

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