Logements sociaux de Chemetov en sursis

Demain matin, le tribunal de grande instance se prononcera sur le fond dans le différend qui oppose Paul Chemetov et la ville de Courcouronnes. C’est une première victoire pour l’architecte qui obtient que la justice se penche sur le projet de démolition d’un bâtiment de 80 logements sociaux dont il est l’auteur. Rappel des faits.

Dans les années 1980, Paul Chemetov construit des logements à Courcouronnes. Connu pour la qualité de ses plans, l’architecte a ici réalisé un bâtiment qui sans être un sommet de son art est suffisamment emblématique d’une époque pour avoir été présenté dans une récente exposition d’architecture sur les années 1980. Il y a donc un premier enjeu de mémoire, de reconnaissance de l’architecture. C’est à ce titre que les plus grands noms de l’architecture française (Nouvel, Ricciotti, Portzamparc…) ont signé ensemble un texte s’opposant à la destruction de ce bâtiment. L’Académie d’Architecture s’est prononcée dans le même sens.


Mais pour Paul Chemetov ce n’est pas le seul. L’architecte du ministère des Finances et du Muséum national d’histoire naturelle ne s’est pas engagé dans cette bataille pour préserver son oeuvre. Il le reconnaît d’ailleurs volontiers : un bâtiment n’appartient pas à l’architecte qui l’a conçu quand bien même il a un droit de regard sur ses évolutions au titre de la propriété intellectuelle. Le second enjeu est ici celui de la façon de construire la ville, en particulier les villes populaires. Ces villes ne peuvent se construire à coup de démolition. Tout un chacun a besoin de s’inscrire dans une histoire longue et cette inscription, la matérialisation de cette histoire est en particulier à la charge de l’architecture, livre de pierre. Plus encore, elle est une des fonctions de la ville et même la condition de sa beauté et de son attractivité. Dans les villes anciennes, les urbanistes construisent « la ville sur la ville ». En banlieue, on démolit. L’idéologie de l’ANRU (Agence nationale pour la rénovation urbaine) qui conditionne l’obtention de crédits à la démolition n’y est pas pour rien. Il faudrait que cela change si l’on veut enfin faire baisser les tensions nées du mépris de classe.

Le troisième enjeu de ce dossier est celui du sort fait au logement social. Il se trouve que ce bâtiment a bénéficié d’une réhabilitation il y a 5 ans. Que l’on manque cruellement de logements et de logements sociaux en particulier en région parisienne. Que le coût de la démolition est estimé à 7 millions auxquels s’ajoutent les frais de déménagement, de manque à gagner pour l’Office. Total de l’opération : 20 millions. Un peu cher. L’argument de la ville et de l’agglomération est le passage d’un tram. Qui oserait contester le bienfait d’un tramway ? Y avait-il un seul chemin pour ce tram ? Supposons qu’une église, peu fréquentée, ou une maison de maître, soient sur ce chemin, les aurait-on démolis avec désinvolture ? Le tramway les aurait contournés. Il n’y a jamais une seule solution. Le tribunal en jugera.

En attendant le groupe Front de gauche du Sénat et de la région se sont saisis du dossier. Pierre Laurent, sénateur de Paris, a adressé une question écrite à la ministre de l’Égalité des territoires et du logement. Elle a obligation d’y répondre dans les deux mois. La réponse n’est pas venue. À suivre donc.

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