A la veille du 6 juillet électoral, l’EZLN (armée zapatiste de libération nationale) publiait un long communiqué, signé du sous-commandant Marcos, où elle affirmait son » soutien à la décision des communautés indigènes du sud-est du Mexique à ne pas participer aux élections « . La présence plus massive des militaires dans la région, le refus de prendre en compte les revendications indigènes par les candidats avaient déjà motivé l’abstention de ces communautés lors des précédentes élections de 1995. Les mêmes raisons ont inspiré une décision identique en 1997. Décision qu’explique aussi une répression croissante des populations indigènes par des » gardes blancs » à la solde des grands propriétaires, souvent proches du PRI au pouvoir. Enfin, si les 20 000 soldats présents au Chiapas ont pu voter, en revanche, des milliers d’Indiens déplacés n’avaient aucune possibilité de revenir sans risques dans leur village pour voter.
La prise de position de l’EZLN se voulait un signal fort en direction de l’ensemble des forces politiques du pays. Marcos estime que, contrairement à 1994, » la peur du changement et de la violence est dépassée par la certitude que l’immobilisme (politique NDLR) est un cauchemar « . Et, souligne-t-il, » la violence est la seule proposition tangible du système actuel « . Autrement dit: plus personne ne veut de la situation actuelle. Aussi les zapatistes ont-ils rappelé au gouvernement que ses engagements n’ont pas été respectés. Ils ont également averti les forces progressistes qu’elles ne peuvent faire appel à la citoyenneté le jour du vote pour l’oublier ensuite. Réaffirmant leur choix de » la démocratie, la liberté et la justice » et leur orientation » anti-néolibérale, de gauche « , en insistant sur leur vocation » à rassembler, à refuser l’exclusion « . Ne se présentant pas comme une formation à vocation électorale, ils renouvelaient leur opposition à une logique de partis, tout en ne se définissant pas comme antipartis où opposés aux élections. En revanche, ils refusent catégoriquement le système du Parti-Etat en vigueur et le présidentialisme.
Les amis de Marcos veulent travailler à une nouvelle relation entre la nation et ses composantes, à démocratiser la politique afin qu’elle ne soit plus l’affaire des élites qui se contentent de l’alternance. Ils veulent rapprocher la politique de ceux sur qui repose la souveraineté: les citoyens. C’est pourquoi, tout en soutenant les communautés indigènes opposées au vote, l’EZLN a marqué une nuance entre les lieux où voter serait » légitimer l’autoritarisme » et ceux où étant » une possibilité de révolte et un coup porté contre le système (…) les citoyens doivent exercer leur droit à dire « ya basta ! » » à la politique en cours.
Reste que la situation nouvelle issue des élections peut permettre de trouver une solution durable au conflit du Chiapas. Manuel Andrès Lopez Obrador, le nouveau leader du PRD, a déclaré que, désormais, la priorité est donnée à la recherche de la paix au Chiapas, dans le respect des accords signés. Mgr Samuel Ruiz, évêque de la région, a accueilli favorablement ces intentions. De premiers pas ont été faits, mais tout dépend à présent de la détermination du gouvernement, sur lequel, bien heureusement, pèse le nouveau rapport de forces politiques du pays. Pour leur part, les zapatistes ont décidé de former un front zapatiste de libération nationale (FZLN). Ils organisent une marche sur Mexico en ce mois de septembre afin d’obtenir l’application des accords de San Andrès.
* Chanteuse, compositeur et musicienne, Sara Alexander, née à Jérusalem, a quitté il y a quinze ans une prestigieuse troupe musicale de l’armée israélienne pour s sillonner le monde, dans le but d’oeuvrer à la réconciliation entre Israéliens et Palestiniens.
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