Au nom de la gouvernance

C’est l’histoire d’un mot qui a infiltré le lexique politique. Un mot qui n’a pas l’air bien méchant, mais « qui provoque des ravages ». Le philosophe Alain Deneault, qui enseigne la pensée critique en science politique à l’université de Montréal, s’en est saisi. Il montre à quel point il a fini par miner toutes les politiques qui tournent désormais autour d’enjeux de gestion. Implantée par Margaret Thatcher dans les années 1980, cette notion est un euphémisme qui « masque une révolution » : « Sous couvert de réaffirmer la nécessité d’une saine gestion des institutions publiques, le terme désignera non seulement la mise en œuvre de mécanismes de surveillance et de reddition des comptes, mais également la volonté de gérer l’Etat à la manière prétendument efficace d’une entreprise. » La plasticité du joli mot de « gouvernance » – dont le sens est plus flou que celui de démocratie – lui a valu son succès. Réduire la politique à une technique, restreindre l’Etat à une entité privée, postuler la montée en force d’un « citoyen » réduit à lui-même, avoir intérêt à défendre des intérêts, prétendre à l’horizontalité et fonder d’impitoyables hiérarchies, contraindre au consentement, rendre médiocres les classes moyennes… Dans Gouvernance. Le management totalitaire, l’auteur décline 50 prémisses qui rendent accessible la lecture de cet ouvrage instructif et exigeant. Devant l’analyse ici produite d’une « révolution anesthésiante », point de réponses toutes faites. Si ce n’est « inventer des modalités historiques adaptées aux crises du temps, plutôt que de rejouer l’histoire selon un art si désinvesti qu’il en devient comique ».

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