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A Sète, des artistes contemporains dans le paysage L’ensemble des musées des Alpes-Maritimes se sont joints pour mettre sur pied une exposition en 13 villes et 28 lieux: » Côte d’Azur et modernité « . Ample sujet où, avec la peinture et la sculpture, on trouve l’architecture, la littérature, le cinéma, la musique, la mode…et Matisse, Picasso, Bonnard, Chagall, Lartigue…
L’originalité première de cet ensemble d’expositions réside dans l’apport de chaque conservateur, du choix d’un thème, évitant ainsi une monotone linéarité, éclipsant en partie les limites contestables de la géographie, de la période et surtout de la définition même de la modernité. Si les vingt-huit lieux mobilisés permettent de couvrir l’éventail des domaines artistiques et de retrouver la myriade d’artistes influencés par cette région, soit en villégiature, soit à l’occasion de longs séjours, on doit signaler quelques arrêts obligatoires. Le triangle Mouans-Sartoux/Grasse/Biot est de ceux-là. Dans la première ville, à l’Espace d’art concret, l’exposition » Miroir cassé » dépasse le cadre de la thématique générale. Gottfried Honnegger, initiateur de cette présentation, qui définit l’art comme » miroir d’une société « , met en garde: » Si le miroir est cassé, la société perd son image, la société tombe dans le néant, dans le vide « . Une salle entière est consacrée à l’ » Entartete Kunst « , l’art dégénéré selon la définition nazie. On y trouve des reproductions d’oeuvres de Rolfs, Kandinsky, Klee, Kirchner, Nolde, Chagall… Le choix de Honnegger est clair, il l’écrit dans le catalogue: » A Toulon et à Orange, chez nous en France et à peu près dans tous les pays européens, le nationalisme, une nouvelle forme de fascisme, s’installe (…) On est bien en train, à nouveau, de casser le miroir. » Pour preuve de résistance artistique pendant la guerre, au moins par la continuation d’un rêve, il présente les travaux de Sophie Taeuber, Jean Arp, Sonia Delaunay et Alberto Magnelli. Si le musée de Grasse offre une vision historique de ce groupe, on se rendra sans tarder dans le majestueux musée Fernand-Léger, où le conservateur Brigitte Hedel-Samson s’est appliquée à décliner » Eloge de la fuite » autour de ces quatre artistes, augmenté des travaux de Mansouroff, Vantongerloo et Lepien.
La fuite comme point de convergence
La fuite devant la bête immonde bien sûr, mais la fuite aussi comme point de convergence des droits à l’infini, de croisement de recherches abstraites. A Antibes, Maurice Fréchuret s’est attaché » A l’épreuve de la lumière « . De Signac à de Staël, plus d’un demi-siècle nous contemple fait de découvertes, d’éblouissement mais aussi d’aveuglement et d’ombre. Le soleil, source de vie, peut pousser au suicide… Picasso, en son musée, est là auprès de Matisse. Ces deux » monstres » ont eu à affronter l’excès de chromatisme, le couperet des couleurs azuréennes qui ne se sont jamais données librement, pas entièrement. Il revenait au Musée d’art moderne et d’art contemporain de Nice, dont la collection permanente renferme des trésors des groupes Nouveaux Réalistes et Fluxus, de donner à voir un ensemble d’oeuvres s’étendant » Des Modernes aux Avant-Gardes « . Picabia, Duchamp, Man Ray, Masson, Picasso, Matisse, Dubuffet, Raysse, Arman, Klein sont aux cimaises pour tenter de mettre en lumière des » filiations quelquefois ténues, parfois évidentes, entre des créateurs de générations éloignées, des connivences émouvantes aussi « . De son côté, le musée Matisse se penche sur » Le mythe méditerranéen » pour en extirper – à travers Matisse, Bonnard, Braque, Pignon, Roussel et bien d’autres – les éléments de transformation de leur
La plupart des expositions se terminent courant octobre. Rens.04 92 07 73 71. Une carte musées a été élaborée (Tél.04 93 42 33 25). Catalogue richement documenté.296 p. Edition RMN 350 F. Signalons la publication d’un document, Petite ballade illustrée, à l’usage des scolaires et réalisé par des enseignants et les équipes des musées. L’art originaire
A Sète, des artistes contemporains dans le paysage
Rien ne serait pareil si Sète n’existait pas. Le Centre d’art contemporain de Sète est issu d’un projet d’ateliers d’artistes mené depuis plusieurs années par Noëlle Tissier, une militante de l’art contemporain qui a su gérer un cadre précis: trois artistes boursiers sont invités en résidence pendant trois mois dans le cadre d’une petite école des Beaux-Arts, la Villa Saint-Clair. Ensuite se fait la rencontre des artistes, confrontés à une réalité ouverte sur la ville et sur le monde. C’est tout l’art de ce lieu magique et de cette ville que de révéler des rencontres, permettre des confrontations, sortir les artistes de l’isolement. L’attention et le suivi priment et cela se sent dans l’exposition » Du construit, du paysage » qui est proposé jusqu’au 12 octobre, car s’y instaure un véritable dialogue entre les oeuvres. Aucun artiste n’essaye de se protéger et l’on parcourt l’exposition, allant de rebondissements en rebondissements. Là, une étrange présentation de Didier Marcel sur une moquette » too much » qui allie d’énormes pierres déposées sur le moelleux de la moquette avec de petites vitrines fragiles, telles de micro-architectures de verre. Philippe Ramette atèle son Nécessaire à déplacer à l’une des parois du centre et rejoue cette sculpture, présentée en tant que Nécessaire à déplacer les montagnes, dans le sens d’un harnais auquel on peut s’arrimer. Puis, le chemin s’enfonce dans les paysages virtuels et glacés de Yanagi Miwa et dans les photographies de paysages de Joachim Mogarra. A l’étage, on survole un paysage enneigé de Bertrand Lamarche, scène nocturne animée par le souffle lumineux d’une turbine. On passe des subtilités poétiques aux changements d’échelle jusqu’à se retrouver devant un moniteur télé où Didier Bay passe, grâce à un montage habile, du paysage héroïque du peintre romantique allemand Gaspar Friedrich à celui du far-west ramassé sous l’égide du cow-boy Malboro. C’est un autre montage que nous envoie en pleine figure Franck Scurti avec sa vidéo Chicago flipper sur grand écran. Des êtres humains marchent, apparemment civilisés, costumes, chaussures » nickel « , souplesse des démarches, le quartier d’affaires de Chicago où le spectateur cherche à se frayer un chemin avec une règle du jeu qui conditionne l’approche, celle du flipper. Entre métaphore et réalisme d’une société de » killers « , l’exposition tourne autour d’un paysage où artistes japonais et français, sans parler du délirant Sigurdur Arni Sigurdsson, se renvoient la balle. Jacques Julien, par exemple, maître ès sport, en rajoute, plantant de drôles et étranges herbivores qui ne sont autres que des paniers de baskets, sortes de sculptures mutantes qui développent une vie communautaire. Une exposition dont le résultat est à la hauteur d’un véritable engagement pour le travail des artistes. L. G.
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