Le Musée de madame et monsieur Tout le monde

En vingt mille objets de la vie quotidienne et de  » produits artistiques dérivés  » conçus par Hervé Di Rosa, un projet qui a pour ambition de mettre fin aux hiérarchies dans le domaine de l’art. Une bonne raison d’aller à Blois.

De septembre 1997 jusqu’au mois d’avril 1998, le musée de l’Objet à Blois (voir plus loin l’article de Jim Palette) présente une exposition qui se veut une préfiguration du musée de l’Art modeste, choisi parmi d’autres comme l’un des projets culturels retenu par les responsables du programme des manifestations qui accompagneront le passage à l’an deux mille. Pierre-Jean Galdin accueille ce projet qui doit fédérer tous les arts populaires en dépassant les notions d’art brut, d’art naïf, etc., et inclure des objets issus de la production industrielle et commerciale. Pour Hervé Di Rosa,  » l’Art modeste  » est celui avec lequel on est tout de suite en contact. Mais il veut que ce concept reste ouvert et qu’il englobe toutes les marges où la création est encore possible sans se l’approprier pour créer un dogme, tel que André Breton a pu le faire ou même Dubuffet dans une moindre mesure. Hervé Di Rosa a trop été piégé par le dénominatif Figuration libre dans les années 80 pour vouloir se laisser à nouveau enclaver. C’est pour cette raison qu’il ouvre en 1988 la boutique de l’Art modeste pour laquelle il crée des objets qu’il essaye de diffuser, où il expose, avec Hervé Perdriolle et son frère, d’autres artistes, pour fédérer les énergies. » Je me suis toujours battu dans ma peinture pour arriver à ce que l’on ne fasse plus de hiérarchie entre la BD, la peinture, l’illustration. Ce qui me gêne, c’est l’échelle de valeur, pas le classement personnel. Tu n’apprécies pas aujourd’hui Fra Angelico, par exemple, pour ce qu’il est réellement, pour l’impact populaire qu’il a eu à l’époque, pour le plaisir de ses images uniquement, sans le mystère. Je me demande si l’art modeste n’est pas la seule solution pour essayer que l’an 2000 ne soit pas aussi atroce que ce qui commence à poindre: le totalitarisme des idées, la ringardise, la nivellation par le bas. Quand je parle de culture populaire, ce n’est pas pour rabaisser les hommes comme la mauvaise télévision, par exemple, c’est le contraire. »

L’objet et la collection au delà du fétichisme

La mise en relation des collections du musée de l’Objet et des collection du musée de l’Art modeste montre à quel point l’art contemporain s’est nourri de tous ces objets issus, ici, principalement des collections d’Hervé Di Rosa et de Bernard Belluc. L’exposition présente plus de 20 000 objets qui signent cette rencontre éclatante en 1990 de Di Rosa et Belluc, déclenchant dans le même temps ce désir de musée de l’Art modeste dont l’association est mise au point dès 1991. Bernard Belluc vit chez lui entouré d’une collection de plus de 150 000 objets qui vont des étiquettes de  » La vache qui rit  » – toutes différentes -, à tous ces objets nés dans les années 50 avec l’apparition du plastique. Dans des vitrines, caverne d’Ali Baba, qui brillent de mille feux, Bernard Belluc a mis en scène une partie de sa collection suivant des thèmes qu’il jugeait importants, l’Histoire, ses grandes figures, ses héros, ses guerriers, fantassins, cavaliers, Indiens et cow-boys; le Tour de France et tous ses colifichets, les cyclistes des jeux de sables, les chapeaux de papier de la marque Ricard, etc., l’école, la fête. A côté des années de nostalgie 50-60, le côté Di Rosa: les figurines des dessins animés et des séries, les Simpsons, Goldorak, les figures de la mythologie actuelle réunies en une grande famille, des Pierrafeu jusqu’aux héros de la technologie la plus sophistiquée, un défilé inouï. Et, exposées, sur des cimaises des enseignes de coiffeurs africains, des oeuvres venant du musée de Villeneuve d’Ascq qui a récupéré la collection d’art brut du musée de l’Aracine, d’autres, issues de la collection Di Rosa. Dans d’autres vitrines, des illustrés, des planches de bandes dessinées, des objets créés par la  » Di Rosa SARL « . L’Art modeste ne s’arrête pas à une époque et à un monde et sa définition dépasse le kitsch, l’art populaire, l’art naïf, l’art singulier, l’art brut. La notion de musée tente de donner à l’objet banal de la vie quotidienne, en dépassant la dimension névrotique et le fétichisme, une vision et une réflexion scientifique et créatrice.

1. François Taillandier, Aragon 1897-1982.Quel est celui qu’on prend pour moi ?, Fayard, 175 p.89 F.

2.  » De l’exactitude historique en poésie », 1940, cité par Pierre Daix en exergue du chap.5 de son Aragon.

3. Pierre Daix, Aragon, une vie à changer, Flammarion, 566 p.160 F

4. Aragon parle avec Dominique Arban, cité dans Valère Staraselski, Aragon, la liaison délibérée, p.25.

5. Aragon, une vie à changer, Le Seuil, 1975.

6. Valère Staraselski, la Liaison délibérée, Faits et textes, l’Harmattan, 368 p.et Aragon l’inclassable, l’Harmattan, 1997, 368 p.et, aux éditions Bérénice/Valmont, Aragon, l’invention contre l’utopie.Conférence de Manchester, suivie d’Entretiens, 93 p., 55F.(éditions Bérénice: 11, rue de la Glacière, 75013, Paris.Tél/Fax: 01 47 07 28 27 )

7. Nedim Gürsel, le Mouvement perpétuel d’Aragon.De la révolte dadaïste au monde réel, L’Harmattan, coll.Espaces littÈraires, 300 p.150 F env.(parution annoncée à fin sept./oct.1997).

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