La 47e Biennale de Venise reprend l’un des thèmes des débats ouverts par l’art des 30 dernières années: celui du nomadisme, de la circulation des formes plastiques. L’identitaire artistique doit se reformuler.
La 47e Biennale de Venise a battu les records de rapidité quant à sa mise en place. Le commissaire général, l’Italien Germano Celant, regrette de n’avoir eu que cinq petits mois pour préparer une manifestation qui reste parmi les plus attendues par son envergure internationale. Cette année, la Biennale est placée sous le signe » Passé, présent, futur « , intitulé de l’exposition centrale conçue par le commissaire général, critique d’art connu pour avoir défendu, dans les années 60, l’art contemporain italien, à travers l’Arte Povera, face à l’hégémonie du marché de l’art aux Etats-Unis, mis en place après guerre dans le cadre du plan Marshall. Le noyau de la Biennale se veut questionnement de la notion d’art contemporain face à l’art moderne et à la période des années 1980 appelée post-moderne. Pour Celant et ses collaborateurs, cette exposition s’ancre au milieu des années 60, lorsque les artistes remettent en question la notion du » sujet-artiste démiurge « , ainsi que la production artistique en tant que marchandise et son processus de création face à un public invité à participer.
Une communauté rebelle à toute limite
Les années 80 sont représentées par le travail d’artistes remettant en cause le système de l’art ou l’art comme système et celui de la génération suivante par une volonté de multi-culturalisme, la reprise de schémas narratifs, de récits reconquérant des valeurs existentielles et une conscience historique qui, avant, était l’apanage de l’idéologie. L’exposition » Passé, présent, futur » confronte ainsi trois générations d’artistes vivants. Une soixantaine d’artistes pour une soixantaine de pays avec des artistes confirmés qui n’ont jamais été représentés largement à Venise, tels, par exemple, Brice Marden, Agnès Martin, John Baldessari, Rebecca Horn, Michael Heizer, Richard Artschwager ou Annette Messager. Germano Celant n’a pas voulu isoler les plus jeunes des artistes déjà confirmés afin d’ouvrir au maximum la vision de l’univers artistique qu’il envisage comme une immense galaxie dont le dénominateur commun est la temporalité et l’unité du lieu. La Biennale est vue comme une immense carte à parcourir sans itinéraire privilégié. La présence des pavillons nationaux instaure une territorialisation politico-diplomatique qui cherche à distinguer l’art par des configurations circonscrites alors qu’aujourd’hui cette cartographie est en crise et contraire à l’art qui veut transcender l’ordre, l’identité et les séparations. L’artiste n’appartenant plus à une nation mais à l’histoire de l’art et à une communauté toujours rebelle à toute limite. L’exposition » Passé, présent, futur » s’entend comme un continuum spatial, dans un temps commun qui cherche à faire échapper l’art aux tutelles nationales. Dans cette dissolution territoriale doit s’affirmer la potentialité de l’art. Pour Celant, il est aujourd’hui impossible d’assumer un thème et de le vérifier en considérant le travail des artistes comme une illustration d’une vision iconique ou symbolique, philosophique ou anthropologique. La 47e Biennale se veut à l’image d’un voyage planétaire, lancée dans une aventure à travers des mondes inconnus et connus, une galaxie spatialement indéterminable pour une prospective ouverte dans une époque de mutations où l’avenir ne peut plus être conçu par un système de communication univoque. La manifestation vénitienne a donc opté pour une multiplication des signes, une accumulation désordonnée, annonçant une mutation qui ne peut être systématisée et où la tentative d’ordre ou de réduction, de prévision et d’organisation rationnelle est destinée aujourd’hui à l’échec.
La Biennale de Venise se tient jusqu’à fin novembre.
1. François Taillandier, Aragon 1897-1982.Quel est celui qu’on prend pour moi ?, Fayard, 175 p.89 F.
2. » De l’exactitude historique en poésie », 1940, cité par Pierre Daix en exergue du chap.5 de son Aragon.
3. Pierre Daix, Aragon, une vie à changer, Flammarion, 566 p.160 F
4. Aragon parle avec Dominique Arban, cité dans Valère Staraselski, Aragon, la liaison délibérée, p.25.
5. Aragon, une vie à changer, Le Seuil, 1975.
6. Valère Staraselski, la Liaison délibérée, Faits et textes, l’Harmattan, 368 p.et Aragon l’inclassable, l’Harmattan, 1997, 368 p.et, aux éditions Bérénice/Valmont, Aragon, l’invention contre l’utopie.Conférence de Manchester, suivie d’Entretiens, 93 p., 55F.(éditions Bérénice: 11, rue de la Glacière, 75013, Paris.Tél/Fax: 01 47 07 28 27 )
7. Nedim Gürsel, le Mouvement perpétuel d’Aragon.De la révolte dadaïste au monde réel, L’Harmattan, coll.Espaces littÈraires, 300 p.150 F env.(parution annoncée à fin sept./oct.1997).
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