Devant l’alignement social-libéral du PS, les alternatives
politiques à gauche peinent à s’imposer. Le Front de
gauche, lui, voudrait peser concrètement sur les orientation
du gouvernement et propose Mélenchon à Matignon.
Quand Jean-Luc Mélenchon
se rêve en Premier ministre
et qu’il se présente comme
un recours post Ayrault, les
lèvres s’étirent, les sourires
s’illustrent. Ostensiblement. Et quasi unanimement.
Et c’est là que le bât blesse.
Mélenchon manque de crédibilité. Pourtant,
lui, s’y voit sérieusement. En se
déclarant premier ministrable, il entend
ainsi asseoir sa légitimité, et conforter sa
stature d’homme d’État. En quête de responsabilités,
il réaffirme sa disponibilité,
non seulement pour la contestation, mais
aussi pour l’exercice du pouvoir. Pour Ian
Brossat, élu PCF et président du groupe
PCF/PG au Conseil de Paris : « En politique,
on a toujours tort de rire trop vite.
Quand nous avons démarré la campagne
présidentielle, personne n’imaginait que
nous remplirions la place de la Bastille.
Nous n’étions pas nombreux non plus à
penser dépasser la barre des 10 %. »
Mélenchon veut croire que le PS est
proche d’une crise qui peut pousser la
France dans une situation à la grecque,
où la gauche radicale apparaîtrait alors
comme le recours, sur le modèle de Syriza
en Grèce. Il entend faire du Front de
gauche, d’abord une alternative crédible
à la politique du gouvernement mais aussi
la force principale et majoritaire à gauche.
Problème : l’insurrection ne semble pas
pointer et la France n’est pas la Grèce.
Pour l’instant, les forces dominantes
installées ne donnent pas l’impression
(cf. les élections partielles) qu’elles vont
s’effondrer. La mauvaise image des leaders,
à gauche ou à droite, n’affecte pas
massivement leurs formations. Quant
au « mouvement social », il reste pour
l’instant politiquement prudent, comme
l’a montré l’impossibilité d’une marche
commune partis-syndicats autour de Florange.
Mais Ian Brossat se veut optimiste :
« Dans une situation aussi instable que
celle que nous connaissons, tout est
possible : le pire comme le meilleur À nous de travailler au meilleur, en l’occurrence,
un large front anti-austérité à
vocation majoritaire. »
À plusieurs reprises, dans sa campagne
présidentielle, Mélenchon avait répété
qu’il ne serait pas ministre d’un gouvernement
qu’il ne dirigerait pas. En arrièreplan,
une double idée : la violence sociale
de la logique d’austérité pousse à l’insurrection
et au basculement vers le grand
retour de l’État, avec en toile de fond, le
modèle latino-américain. D’où l’irritation
manifeste, à gauche, autour d’une ligne
mélenchonienne dont beaucoup, à l’instar
de Marc Dolez, pensent qu’elle frise
le gauchisme. Leila Chaibi, militante au
PG et animatrice du mouvement L’Appel
et la Pioche conteste : « Nos slogans ne
valent pas que dans les manifestations.
Nous avons un programme politique
crédible, il est plus que d’actualité, nous
sommes le recours à gauche. » Et d’ajouter
: « On nous reproche sans cesse de
ne pas vouloir mettre les mains dans le
cambouis. Pourtant, nous aspirons aux
responsabilités. Mélenchon Premier ministre,
c’est pas une blague même si ça
semble compromis sous Hollande, sauf à
imposer une majorité alternative. Et nous
y travaillons. » En l’état actuel, il semble
difficile de voir le FG s’imposer comme
la nouvelle force majoritaire à gauche.
Reste à savoir si cette majorité peut se
faire par ralliement de forces nouvelles,
ou par la proposition d’une nouvelle
donne, potentiellement majoritaire, qui ne
serait ni le Front de gauche à lui seul ni
le retour de la vieille union de la gauche
version années 1970.
Si cette majorité nouvelle devait s’imposer,
elle devrait aussi faire place à de
nouvelles personnalités, qui incarnent
un rassemblement plus large, autour de
sensibilités diverses : « Avec un Parti
socialiste à vocation hégémoniste, les
Verts sont à la botte du PS. Nous leur
disons ainsi qu’à tous ceux qui ont voté
non au TCE, mais aussi aux socialistes
de gauche que nous pouvons travailler
ensemble à une nouvelle majorité.
L’émergence d’une nouvelle génération
de leaders politiques doit faciliter et favoriser
la construction de cette alternative »,
affirme Leila Chaibi.
À l’occasion de l’initiative « Gauche Avenir
» portée par Marie-Noëlle Lienemann,
les commentateurs politiques avaient
beaucoup glosé sur un retour de l’union
de la gauche. Chaque fois que le PCF a
esquissé ce retour, entre 1981 et 1984
ou entre 1997 et 2002, il est allé à l’échec.
« Nous devons sortir de cette impasse »,
lance Leila Chaibi. Les réactions critiques à l’égard du recentrage hollandais (au
sein même du PS et parmi les militants
et personnalités EELV) laisse entrevoir les
contours d’une autre majorité à gauche.
Les partenaires du Front de gauche
sont conscients qu’il n’est pas d’avenir
immédiat possible en dehors de l’alliance
amorcée en 2009. Reste à savoir comment
permettre au Front de gauche de
dépasser un niveau électoral, certes non
négligeable, mais qui ne permet pas encore
d’être autre chose qu’un aiguillon ou
une roue de secours. La coalition doit-elle
viser à agréger autour d’elle ? Ou bien
doit-elle chercher à être le ferment d’une
alliance potentiellement majoritaire, qui
la déborde, mais qui prenne une consistance
bien plus innovante et citoyenne
que les formules passées de l’union partisane ?
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