L’année s’annonce morose. La crise est là et la seule relance pour l’instant perceptible est
celle du chômage. François Hollande avait été choisi pour infléchir le socialisme vers le
centre et, en même temps, le candidat avait dû jouer une partition plus à gauche. Mais,
désormais, plus question de tergiverser : le socialisme n’est plus celui de la solidarité mais
de la compétitivité ; il ne compte plus les pauvres mais les voitures brûlées.
Ce n’est pas une surprise à proprement parler. Mais ce n’est pas une bonne nouvelle. L’élection
du 6 mai dernier n’avait certes pas vu fleurir les plus folles espérances ; ce n’est pas
pour autant que le recentrage hollandais ne provoque pas les plus grandes amertumes.
Comment se fait-il que la France, terre de richesse et de révolte, soit à la traîne de la seule
innovation qui soit réaliste, l’innovation sociale ? Seuls les plus ardents zélateurs du capitalisme
financier osent nier aujourd’hui que le système est à bout de souffle, qu’il mutile
les hommes, désespère les défavorisés, épuise la planète. Seuls les plus obtus refusent de
convenir qu’il faut redonner de l’opacité à ce qui est trop fluide, de la règle à ce que la libre
concurrence a trop laissé vibrionner, de la redistribution massive à ce que la mondialisation
a outrancièrement polarisé.
Et au moment où ces idées simples et fortes commencent à se répandre, que nous disent
les socialistes au pouvoir ? Qu’il faut être compétitif, qu’il faut être attractif. Mais la « compétitivité
» est aujourd’hui dans la compression salariale : on veut suivre le modèle des
pays émergents et conjuguer salaires modestes et haute technicité ? « L’attractivité », elle,
porte vers le placement rentable à court terme et l’investissement mesuré : on veut un
capitalisme de fonds de pension et de paradis fiscaux ? La gauche se perd à ce qui est, soit
une stupidité, soit un mensonge.
Dire que l’on ne veut pas de cela est moralement souhaitable. Appeler à y résister est faire
oeuvre d’utilité publique. Mais la responsabilité politique fondamentale est ailleurs : dans
le devoir d’alternative. Si la majorité actuelle est en faillite, il faut se projeter dans une autre
majorité, avec qui est prêt à s’y agréger, quels qu’aient été les paroles et les actes d’hier. Pas
la même majorité en mieux : une autre majorité et une majorité autre, construite autrement,
plus sociale, plus citoyenne, plus diverse, plus dérangeante, plus stimulante, plus
innovante.
Le Front de gauche a ouvert une belle piste d’espoir en 2012. Il doit continuer. Ne pas
ambitionner de « prendre la place », mais chercher à faire en sorte que le peuple prenne
sa place. Et pour être ce ferment, le Front doit continuer à être ce qu’il est et devenir autre
chose : une force citoyenne, ouverte aux citoyens tout autant qu’aux formations. S’il réussit
ce pari, son avenir est assuré. Et les dominants pourront à juste titre clamer : « au secours
la gauche revient ! »
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