PCF, grand retour ou métamorphose ?

pcf2.jpg

Ressuscité de ses cendres, le PCF est aujourd’hui à la croisée
des chemins, celui du «retour» ou celui de la «réforme». Lequel
empruntera-t-il? Tout dépendra de l’étoile qui le guide…

Le 36e Congrès du PCF est
apparemment un congrès
sans histoire. Le texte
qui sert de base à la discussion
– la « base commune
», dans le langage communiste
– a été adopté par près de trois quarts
des 34 000 votants. Les trois textes
« alternatifs », les plus attachés à l’affirmation
intransigeante de « l’identité »
communiste, se sont partagés un peu
plus d’un quart des suffrages restants,
alors qu’ils en avaient recueilli près de
40 % au 34e Congrès de 2008. Il est à
noter encore que, en juin 2011, André
Chassaigne et Emmanuel Dang Tran
avaient été choisis eux aussi à 40 %,
de préférence à Jean-Luc Mélenchon
proposé par la direction pour porter
les couleurs du Front de gauche à la
présidentielle à venir. Les courants
« orthodoxes » restent cantonnés à
ce seuil des 25 % qui constitue leur
moyenne de la décennie précédente.
La stratégie du Front de gauche est
ainsi sortie confortée de la séquence
électorale de 2012.

Manifestement, le PC entend faire
entendre sa voix spécifique dans le
concert de la gauche de gauche. Depuis
quelques mois, en effet, il s’efforce d’affirmer
son point de vue, sur un aspect
notamment. Alors que Jean-Luc Mélenchon
et ses amis font plutôt le pari d’un
enfermement définitif du socialisme
français dans la logique sociale-libérale
à l’anglo-saxonne, les responsables
communistes insistent sur l’existence,
au sein du PS, d’une opposition persistante
à cette ligne de recentrage global.
Sans doute, la nécessité pour les communistes
de préserver leur patrimoine
local pousse-t-elle à une plus grande
prudence dans la manière de s’opposer
à la nouvelle logique socialiste incarnée
par le tandem Hollande-Ayrault. Mais
l’intérêt partisan immédiat n’est pas le
seul facteur explicatif. Le PC n’a pas
oublié une vieille tradition, qui remonte
au milieu des années 1930 et qui associe
l’affirmation identitaire et le projet
de vastes rassemblements potentiellement
majoritaires. Un socialisme définitivement
passé à droite : cela ne fait pas partie de la culture communiste…
Par ailleurs, l’encadrement du parti reste
échaudé par l’échec des tentations de
« faire la différence », qui dominèrent le
PCF après 1977 (et la fin du programme
commun) et après 1984 (quand les communistes
ont quitté le gouvernement). En
bref, les communistes ne sont pas prêts
à tabler sur une « insurrection » montante
et sur un basculement inévitable
de dominante entre le Front de gauche
et le PS. Dans les faits, par-delà l’abstention
tactique de ses élus nationaux sur
le budget, le PCF est entré dans l’opposition
aux choix fondamentaux du pouvoir
socialiste. Il exercera toutefois cette
fonction à sa manière…

Deux débats sous-jacents

Le départ des « communistes unitaires »
en 2010 a modifié les équilibres du débat
interne. Depuis 2008, les partisans d’une
« métamorphose » du PCF (Marie-Pierre
Vieu) se sont intégrés dans la nouvelle
majorité regroupée autour de Pierre Laurent,
de même que les anciens « marchaisiens
» qui se désignaient comme
les « novateurs » (Nicolas Marchand).
La seule opposition officielle est donc
celle des plus « identitaires », alors que
les joutes des années 2000 opposaient
volontiers les « orthodoxes » et les « refondateurs
». Le consensus interne est-il
désormais trouvé ?

En fait, deux grands débats restent sousjacents
dans l’actif communiste, même
s’ils sont faiblement explicités. Le premier
se rapproche de celui qui a animé
l’organisation communiste après 2005 :
à cette époque, la direction communiste
avait estimé que la place occupée par les
militants communistes, dans la victoire du
Non au référendum constitutionnel européen,
redonnait au PCF la première place
au sein de la gauche de gauche. De cette
conviction alors inébranlable est issue la
désastreuse candidature communiste
à l’élection présidentielle de 2007. Le
PCF d’aujourd’hui va-t-il tirer, de la même
manière, la conviction que la dynamique
prometteuse du Front de gauche le remet
en selle, comme aux plus beaux jours ? À
suivre certains propos, à écouter certains
accents, on pourrait penser qu’une partie
de l’appareil et des militants veut croire
que le balancier de l’histoire est en train
de revenir du bon côté : après la longue
dépression produite par la crise du soviétisme,
le temps serait revenu d’une
affirmation communiste retrouvant les mots, les signes et les réflexes des
périodes expansives d’antan.

Le second débat est plus explicite (Cf.
article ci-contre) et rejoint le premier sur
la thématique du « grand retour ». Dans
l’espace communiste, beaucoup ont eu
du mal à admettre, à partir des années
1970, que la lutte des classes pouvait
emprunter d’autres chemins que ceux
du combat salarial classique. La montée
des « nouveaux mouvements sociaux »
(années 1970), puis celle du « mouvement
social » (années 1990) ont désarçonné
et irrité à l’époque, d’autant plus
que les vieux concurrents du socialisme
et de l’extrême gauche ont fait leur miel
de ces nouvelles conflictualités. En relançant
la question « sociale » classique
(à base salariale), la crise peut donner
aujourd’hui l’impression que les pendules
se remettent à l’heure et que la poussée
du « sociétal » n’était rien d’autre que la
capitulation de l’esprit de classe. Finies
les « petites fleurs », comme s’en gaussait
un haut responsable communiste d’hier,
revenons enfin au « hard social »…

Dans les deux débats, le maître mot dominant
pourrait alors être celui d’un retour à
la case départ. Avec des mots différents
peut-être, avec un rajeunissement de
l’enveloppe et un rafraîchissement des
couleurs, mais sur la base d’un retour aux
« fondamentaux » prétendument oubliés.
Si cela était, l’ouverture réelle qui a accompagné
le choix du Front de gauche,
s’accompagnerait d’un certain classicisme.
Au prix d’une relative immobilité ?

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *