Un anarchiste

de Joseph Conrad

Remarquablement construite, cette nouvelle de Joseph Conrad, l’auteur de Au cœur des ténèbres, date de 1906. Elle commence en apparence assez loin de son sujet, par la dénonciation d’une firme agro-alimentaire qui déverse dans le monde entier, à l’aide de publicités « à l’enthousiasme écœurant », des produits à base d’extraits de viande : une espèce de McDo de l’époque, si l’on veut. C’est dans l’île proche de Cayenne où cette firme élève son bétail, que le narrateur (un chasseur de papillon !) va rencontrer l’anarchiste en question. Il est Français et n’a eu pour seul tort, alors qu’il avait trop bu pour fêter ses vingt-cinq ans, de crier dans un café : « Vive l’anarchie ! Mort aux capitalistes ! »

Dans une postface avisée, Pierre-Julien Brunet, note tout ce que « ce conte désespéré » (sous-titre que Conrad donna à Un Anarchiste) doit, d’une part à Anatole France (magnifique écrivain, totalement oublié de nos jours : dans son dernier livre, Mazarine Pingeot raconte ainsi comment elle hérite de son père des œuvres complètes d’Anatole France en se demandant ce qu’elle va bien pouvoir en faire), d’autre part au Ventre de Paris de Zola. Ce faisant, Brunet nous rappelle l’étrange francophilie du premier grand écrivain voyageur, né en Pologne, basé en Angleterre après avoir fait le tour du monde dans la marine marchande, mais qui, de son propre aveu, pensait toujours en français.

Un anarchiste de Joseph Conrad, Mille et une nuits, 60 pages, 3 euros.

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