d’Eric Marty
Eric Marty n’avait pas encore écrit de roman. Cet éminent professeur de littérature s’était jusqu’à présent contenté de publier de nombreux essais sur Roland Barthes (il a édité ses œuvres complètes), Jean Genet ou André Gide ; mais aussi, c’est plus étonnant, sur Althusser et Lacan. En 2007, il s’est aussi querellé avec Alain Badiou sur « la portée du mot juif ».
Surprise : son premier roman est un thriller politique. On pense brièvement à Umberto Eco, autre grand essayiste littéraire, qui était entré sur le tard dans la carrière d’écrivain avec un roman policier : Le nom de la rose. Brièvement, car si Umberto Eco pastichait la sérendipité des histoires de Sherlock Holmes, Eric Marty prend lui pour modèle ce qu’on a appelé dans les années 80 « le néo polar » — et son pape : Jean-Patrick Manchette. Difficile en effet de ne pas penser à Nada (d’ailleurs cité dans le livre) en lisant Le cœur de la jeune Chinoise. Dans les deux cas, il s’agit de raconter comment un groupe radical d’extrême gauche passe à la lutte armée. Celui de Marty s’appelle « Ligne rouge » et il est dirigé par un ancien prof de philo qui se fait appeler Mao. On pense alors un peu à Badiou. De même que le personnage de Thomas, psychanalyste se produisant dans des émissions de divertissement à la télévision, ne manquera pas d’évoquer Gérard Miller. Et le héros du livre, Politzer, avec sa manie d’étrangler les femmes dans des bouffées délirantes, a quelque chose en lui d’Althusser. Bref, Marty s’est à l’évidence beaucoup amusé en écrivant ce polar, à rebours de l’esprit de sérieux du reste de son œuvre, tant et si bien que son délassement devient aussi le nôtre.
Le cœur de la jeune Chinoise d’Eric Marty, éd. Le Seuil, 375 pages, 21 euros.

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