Un chauffeur de bus entouré de « mouches »

bus.jpg

Les conducteurs RATP sont surveillés par une Brigade interne qui agit en silence. Les faits reprochés sont consignés dans un rapport ensuite envoyé à la direction. Un chauffeur de bus a livré son expérience sur le site de Regards.

Les mouches ? C’est ainsi que les agents RATP surnomment la très secrète Brigade de surveillance du personnel (BSP). Des employés en civil qui volent de bus en bus, se faisant passer pour des passagers lambda. Leur rôle ? Traquer le moindre écart de « conduite » : tenue vestimentaire, accueil des passagers, respect du code de la route et des horaires… Des observations consignées dans un rapport envoyé à la direction qui suit les conducteurs tout au long de leur carrière. Et peut parfois mener à leur révocation. L’article que Regards avait consacré à ce service a donné lieu à un commentaire rédigé sous pseudonyme: « Machinisteanonyme » y livre son expérience.

« Ayant reçu il y a très peu de temps la visite d’un membre de la BSP, je suis bien placé pour décrire les pratiques de ce service spécial de la RATP », écrit-il. « On appelle ces agents des mouches, car effectivement ils sont comparés à des mouches à merde. Quand ils passent, alors qu’ils ne conduisent plus depuis un bail généralement, ils trouvent toujours à redire. Ils sont complètement décalés par rapport à la réalité que l’on nous impose. » Un agent franchit une ligne blanche continue ? Ce sera retenu contre lui. A première vue, on ne voit pas le problème, c’est une faute. Mais il y a bien un hic : « Au moins quinze fois par service – je n’exagère pas – les machinistes sont obligés de franchir ces lignes afin de poursuivre leur trajet, soit parce que quelqu’un stationne en double file, soit parce que le tracé ne permet pas au bus de passer avec son gabarit. Dans la théorie, on devrait s’arrêter et demander à la police ou à la permanence générale de nous envoyer un agent pour nous faire passer : ce qui signifie au minimum 30 minutes d’attente. Bref, impossible à réaliser, surtout pour les voyageurs !  » 

Idem pour les passages au feu rouge : une pratique a priori condamnable qui s’avère difficile à éviter dans les grandes villes. « On est censé prévoir les passages du vert à l’orange puis au rouge sur tous les trajets que l’on effectue, sachant que selon les heures, ils changent de rythme. Quand un machiniste franchit un feu qui devient orange juste sous son nez, celui-ci est considéré comme rouge. Pourtant, même s’il freinait pour tenter d’arrêter le bus, le véhicule ne s’arrêterait qu’au milieu du carrefour. Un bus, c’est 19 tonnes lorsqu’il fait 12 mètres de long, 32 tonnes pour 18 mètres, explique notre conducteur qui tient à garder l’anonymat. Par ailleurs, en cas d’embouteillage au carrefour, le machiniste est bien obligé d’avancer pour se frayer un chemin. Et si pendant ce temps-là, le feu passe au rouge et que le bus se retrouve bloqué à l’intersection, on considère que le conducteur est passé au rouge. Il est vrai que, dans la théorie du code de la route, on ne doit pas s’engager dans un carrefour si on n’est pas sûr de pouvoir libérer le passage, mais quiconque a déjà conduit à Paris sait que dans ce cas, on n’a aucune chance d’avancer ! »

Pour ce chauffeur, qui déplore que les points positifs ne figurent pas dans les rapports, la BSP est un instrument « au service des ressources humaines » qui permet de retarder l’avancement des agents. « J’espère que la prochaine fois que vous monterez dans un bus, vous comprendrez un peu mieux ce que l’on vit au quotidien », conclut-il.

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *