En direct de Lausanne, Colloque « Penser l’émancipation au XXIe siècle »

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Le capitalisme n’est pas un horizon indépassable. Ce week-end, à l’université de Lausanne, 140 intellectuels et militants se réunissaient pour penser « L’émancipation humaine ». Tout au long du week-end regards.fr vous a proposé les échos du colloque. Aujourd’hui, dernier écho…

Echo 3
La géographie a également été invoquée pour penser l’émancipation. La ville, lieu de l’accumulation capitaliste traduit spatialement l’évolution du mode de production. Corinne Luxembourg montre comment la désindustrialisation et la déliaison entre territoire et production remettent en cause le principe même d’urbanité dans les villes industrielles au profit d’une organisation du territoire basée sur la compétitivité et donc la mise en concurrence. De son côté, Anne Clerval analyse le processus de gentrification parisienne comme une dépossession des classes populaires, résultat de la reconfiguration des rapports de classe dans la ville et de l’action ambivalente de la politique publique. La mixité sociale apparaît alors comme un détournement rhétorique masquant les politiques d’embourgeoisement et se substituant à toute tentative de mise en œuvre du droit à la ville. Enfin, Stephan Kipfer étudie les effets contradictoires des processus d’urbanisation et de racialisation. Cette géographie critique est à l’opposé de la géographie scolaire officielle analysée par Sarah Mekdjian dans un panel sur l’émancipation pas les savoirs. Les programmes scolaires du secondaire en France offre aux élèves une approche purement descriptive des inégalités socio-spatiales renonçant à toute dimension systémique qui permettrait de comprendre comment la pauvreté est produite et faisant des outils géographiques des supports de légitimation des inégalités et non d’analyse critique.

Une dimension systémique est pourtant bien utile pour comprendre ce qui se joue dans la marchandisation de l’enseignement supérieur. En effet, c’est par l’intégration du travail à l’université dans le cours normal du salariat que le savoir devient une marchandise comme les autres, un service d’enseignement produit pour la vente. A l’aide du concept de fétichisme, Hugo Harari-Kermadec analyse les effets de cette transformation sur les représentations des étudiants, désormais invités à se considérer comme des investisseurs en ‘‘capital humain’’, en payant des frais de scolarité (éventuellement à crédit) qu’il faudra plus tard rentabiliser sur le marché du travail. Une université qui n’apprend plus à penser pour s’émanciper, mais aliène pour exploiter.
Capucine Larzillière

Echo 2
La réflexion sur l’émancipation se poursuit vendredi. Dans un atelier sur le salariat, Elsa Manghi s’intéresse à ce qu’il advient de l’égalité professionnelle dans les entreprises alors que les textes législatifs qui s’accumulent s’intéressent davantage à la promotion des femmes les plus favorisées. Dans le même temps, dans le panel sur le féminisme au défi de l’oppression néocoloniale, Hester Eisentein montre comment l’empowerment des femmes du Sud est défendu par les ONG tandis que se développent le micro-crédit et la logique de l’auto-entreprenariat. S’en suivent les interventions de Capucine Larzillière et de Zahra Ali qui, pour la première propose une typologie des réactions féministes dans un contexte ou les discours de l’égalité hommes-femmes sont utilisés pour justifier l’alterisation, en particulier des musulman-e-s tandis que la seconde aborde la manière dont les féminismes islamiques pensent l’émancipation par le religieux.

L’écologie a aussi questionné de manière particulière notre projet émancipateur. Cette problématique a été traitée à travers deux ateliers dans ce colloque. Le premier était axé autour des luttes actuelles sur le climat, des différentes stratégies y compris dans le monde syndical, mais aussi dans le monde agricole. Le deuxième atelier a traité du rapport de Marx et des marxismes avec l’écologie, tout en adressant la question du rapport avec la technique. D’une manière générale, le projet émancipateur se trouve interrogé sur plusieurs points : la planification et le statut de propriété de la terre, le productivisme et la technique dans son rapport avec le capitalisme, la « re-sacralisation » de la nature, mais aussi sur le besoin de développer la réflexion sur les modes de prise de décision dans ces domaines. Enfin, la crise écologique et les luttes contre la privatisation des biens communs qu’elle génère permettent un engagement en dehors du salariat, font émerger des nouvelles formes d’engagement militant, et aboutissent à des solidarités entre des groupes sociaux qui ne se rencontraient pas.
Lisbeth Sal

Echo 1
Au bord du lac, au milieu des moutons, c’est sous le signe de l’approfondissement de la crise économique que s’ouvre le colloque. L’enjeu est de « reconstruire une vision à la hauteur des défis rencontrés » dans une perspective internationaliste portée par des militant-e-s et des universitaires de tous âges et souvent les deux de différents pays.

Dans l’atelier consacré aux « sexualités en mouvements », Pascal Levy et Flora Marchand sont revenus sur le phénomène polyamoureux en soulignant par exemple en quoi cela permet de remettre en cause l’assignation des femmes au foyer en créant un espace d’autonomie tandis que Ramzy Kumieh s’est intéressé au mouvement queer en Palestine et les effets produits par l’occupation israélienne qui élabore la politique de Pinkwashing pour mieux stigmatiser les palestiniens.

Placé dans le panel consacré à la précarité, la domination et la surexploitation dans le travail, le débat sur les travailleurs-euses du sexe a permis de pointer la place des prostituées dans leur propre émancipation et leur organisation. En effet, les syndicats de travailleurs-euses du sexe se trouvent exclus à la fois de la lutte féministe et de la lutte syndicale par le discours abolitionniste qui rejette leur parole comme aliénée.

Enfin dans le même temps, ce sont les combats actuels pour l’émancipation en Amérique latine qui ont retenu l’attention de Thomas Posado qui s’est penché sur le nouveau temps enclenché en Amérique Latine après l’ébullition du début des années 2000.
Lisbeth Sal

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