André Neveu
Ce n’est pas une surprise mais c’est assez nouveau: dans le domaine de l’agriculture aussi, le poison du profit à tout prix est désormais au coeur même du fruit. «Après les industries agroalimentaire et la grande distribution, le système capitaliste est en train d’investir le secteur de la production agricole (…) ce phénomène est récent, mondial, rapide et de grande ampleur», résume, dès son introduction, l’auteur de cet ouvrage, un ingénieur agronome passé par l’Afrique et membre de l’Académie d’agriculture.
Les années 80-90 sont celles du «basculement». C’est le temps où la Banque mondiale et le Fmi imposent des ajustements structurels à tour de bras et où les «experts» du consensus de Washington encouragent les productions destinées à l’exportation, tandis que le commerce mondial franchit un important seuil de dérégulation avec la création de l’OMC. Les bases sont jetées pour que le «grand capital» vienne bientôt intervenir directement au cœur de la production agricole. Les fonds d’investissement s’y mettent. Mais c’est la crise de 2007-2008 qui va vraiment mettre en lumière l’apparition d’un «néocolanialisme agraire» qui se manifeste notamment par la location de terres (par des pays tels que la Chine, l’Inde et les pays du Golfe à des Etats pauvres – et pour la plupart, africains – tels que Madagascar, la Zambie, le Soudan… ) sur des baux emphytéotiques d’un siècle.
Poids réel des grandes firmes, géographie de la relation dominants/spoliés, impact sur le monde rural, l’auteur dresse le tableau d’une «agriculture capitaliste» dont le «succès», écrit-il, est «impressionnant». Mais surtout alarmant, car ce nouvel ordre agricole mondial a le visage d’immenses exploitations aux mains d’investisseurs susceptibles de cesser leur activité. Après les friches industrielles, les friches agricoles? C’est la mise en garde, sous forme de question, à laquelle se livre l’auteur dans sa conclusion. Non sans avoir, au préalable, rappeler les fondamentaux de la résistance en la matière: défendre politiquement la souveraineté alimentaire des peuples et renforcer la petite paysannerie en la modernisant.
A lire
Agriculture mondiale: un désastre annoncé de André Neveu. Ed. Autrement, 2012, 200 p. 17 €

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