«La Francophonie doit faire pression sur le gouvernement congolais»

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Le XIVe sommet de l’Organisation internationale de la Francophonie (OIF) se tient jusqu’au 14 octobre à Kinshasa. Dans un pays, la République démocratique du Congo (RDC), où les violences et atteintes aux droits de la personne restent nombreuses. Trois questions à Achraf Sebbahi, chargée de campagne pour la RDC à Amnesty International.

Regards.fr: Vous demandez aux participants au sommet de la Francophonie qui s’ouvre aujourd’hui à Kinshasa, de mettre «les droits humains (…) au cœur des débats». Pourquoi interpellez-vous cette organisation-là sur ce terrain-là ?

Achraf Sebbahi: Parce que la Francophonie promeut dans sa charte les valeurs de démocratie et de Droits humains et que donc, au regard de la situation actuelle du pays, le choix de Kinshasa pour se réunir peut paraître un peu surprenant… La situation sécuritaire, qui prévaut dans l’Est notamment, est catastrophique pour la population civile. On assiste à des violation répétées des Droits de la personne et à une augmentation des violences commises par les groupes armés – exécutions sommaires, enrôlement forcés y compris d’enfants, viols… Des populations sont massivement déplacées dans le Nord-Kivu; la liberté d’expression est entravée de façon répétée; et les violences ethniques connaissent une recrudescence inquiétante.
On estime que l’OIF a une responsabilité puisque plusieurs mécanismes lui permettent de rappeler à l’ordre ses Etats membres. En 1991, d’ailleurs, le Zaïre de Mobutu avait été sanctionné par l’OIF suite à une sanglante répression d’émeutes étudiantes. On ne demande pas à l’OIF d’exclure la RDC mais au moins qu’elle sorte de son silence et fasse pression sur le gouvernement congolais.

Regards.fr: Le gouvernement congolais est l’unique responsable de la situation dans l’Est du pays ?

Achraf Sebbahi: Non mais étant donné que cela se passe sur son sol national, il a bien entendu la responsabilité de protéger les populations civiles. Après, on sait que le Rwanda, qui est également membre de la Francophonie, est aussi impliqué dans la situation actuelle puisqu’il apporte son soutien à l’un des principaux groupe armé opérant dans la région, le M23 [[le M23 est un groupe politico-militaire pro-tutsi dont le nom fait référence au 23 Mars 2009, date à laquelle le gouvernement de la RDC avait signé un accord avec un autre mouvement – le CNDP de Laurent Nkunda, arrêté depuis. Les militants du M23 dénoncent la mauvaise application de ces accords qui prévoyaient, entre autre, l’intégration des ex-rebelles du CNDP dans l’armée nationale.]]; enfin, la communauté internationale aussi doit être mise face à ses responsabilités et en premier lieu l’Onu qui y dispose d’une importante force, la Monusco. Clairement aujourd’hui, les objectifs de cette mission ne sont pas atteint (malgré le déploiement sur le terrain de 19 083 « membres du personnel en uniforme », ndlr) et on constate dans le dispositif des faiblesses importantes en terme de protection des civils.

Regards.fr: Qu’attendez vous en matière de justice internationale concernant la RDC?

Achraf Sebbahi: La RDC doit respecter ses engagements. Deux personnes dans ce pays font l’objet d’un mandat d’arrêt émis par la Cour pénale internationale (CPI) pour crimes de guerre, Bosco Ntaganda et Sylvestre Mudacumura. Mais ils n’ont toujours pas été arrêté. Il est urgent que le gouvernement congolais adopte une loi qui lui permette de transposer le statut de Rome [[le Statut de Rome définit les règles de fonctionnement élémentaire de la CPI dont la compétence porte sur le crime de génocide, les crimes contre l’humanité, les crimes de guerre et le crime d’agression]], dont la RDC est signataire, dans sa législation. Pour l’instant ce n’est pas compatible et cela crée des situations étranges. Par exemple, seules des juridictions militaires sont en capacité de poursuivre des personnes ayant commis des crimes de guerre ou des crimes contre l’humanité. La RDC doit en finir avec ce type de situations.

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