Plus Modiano vieillit, plus sa prose devient poétique, abstraite, quasi métaphysique. Le narrateur erre dans le Paris d’aujourd’hui à téléphone portable, et entrouvre au coin des rues les portes du passé. C’est comme si l’avenue du présent débouchait sur une venelle obscure : en l’occurrence l’année 1965. Celle où Ben Barka a été kidnappé (en lisant ce livre, on a parfois l’impression que Modiano a réussi à écrire un roman poétique sur l’affaire Ben Barka), celle où le poète Jacques Audiberti est mort… Mais beaucoup d’autres poètes hantent ces pages : Tristan Corbière, Blaise Cendrars ou encore Baudelaire à travers sa Vénus noire, Jeanne Duval. Le titre du roman, L’ Herbe des nuits vient, lui, d’un vers d’Ossip Mandelstam. Les personnages sont flous, les temporalités se chevauchent, comme si Modiano cherchait à décrire littérairement, non scientifiquement, et subjectivement, la courbure du temps découverte par Einstein.
L’Herbe des nuits, de Patrick Modiano, éd. Gallimard, 178p., 16,90€.

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