La Théorie de l’information, d’Aurélien Bellanger

Cette fiction autobiographique sur Xavier Niel est l’inverse d’un page turner. Autant dire que c’est du lourd, que la page est pesante, qu’on n’avale pas comme ça le nombre d’informations, justement, distillées dans La Théorie de l’information. Malgré tout, cela demeure d’une pesanteur séduisante, et parfois même passionnante.
Parce qu’Aurélien Bellanger est l’auteur d’un essai littéraire sur Houellebecq dans le droit fil de son aîné Dominique Noguez, on a beaucoup écrit, et un peu paresseusement, que « La Théorie de l’Information » était un roman houellebecquien. D’ailleurs, le modèle du roman, le président de Free, Xavier Niel en personne, notre Steve Jobs hexagonal, l’a concédé au magazine Le Point : houellebecquien, il a dit, en parlant finalement de lui-même. Marrant.

Mais scientifiquement, in fine, vraiment houellebecquien ?

En fait, la vraie réponse devrait plutôt être à notre avis : oui et non. Oui, il est vrai que l’enfance de Pascal Ertanger (et non pas Etranger comme on pourrait facilement le lire), c’est-à-dire le double fictionnel de Xavier Niel, ressemble assez à l’enfance de Michel dans les Particules élémentaires. Surtout dans sa manière d’être traitée sociologiquement, à l’intérieur du cadre néo bourgeois des villes nouvelles des années 1960-1970, créées à l’ouest de Paris sur ordre du Général de Gaulle afin de desserrer ce qu’on appelait alors « la ceinture rouge » qui faisait peur.
Mais non aussi, car il n’y a quasiment jamais, dans la phrase d’Aurélien Bellanger, le nécessaire délestage qu’a toujours constitué chez Houellebecq, son impalpable ironie ; ce que beaucoup d’incertains ont appelé, en simplifiant un peu énormément : son humour.
En fait, s’il fallait absolument trancher, La Théorie de l’information est surtout un roman balzacien. Pas un des meilleurs de Balzac, disons-le tout net, mais qui serait tout de même à Internet ce que Illusions perdues aura été à l’imprimerie. Aurélien Bellanger ne se cache d’ailleurs pas, en entretien, d’avoir lu ou relu, allez donc savoir, « toute » La Comédie Humaine avant d’avoir pondu son pondéreux premier roman. Mais le fait est que dans les meilleurs passages de son livre (par exemple, la traversée du quartier du Sentier, la nuit, à l’aube des années 2000), à découvrir comme dirait mon libraire, cela se sent bien. Bellanger ou la mythologie geek française.

La Théorie de l’information, d’Aurélien Bellanger, éd. Gallimard, 496p., 22,50€.

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