« Faut-il abolir la prison ? » Tel était le thème de la conférence organisée le 28 septembre dernier par le barreau de Lyon. Un ancien prisonnier, Laurent Jacqua, était invité. Son récit entre dans le vif du sujet.
Lors de la conférence organisée par le barreau de Lyon sur la prison, l’ancien détenu Laurent Jacqua est intervenu en dernier. C’est ainsi que le tour de table avait été prévu. La parole à l’accusé ? Il fait mine de s’étonner. Les autres sourient, pas vraiment gênés. Il est assis à la tribune aux côtés de Jacques Baume, procureur général près de la Cour d’appel de Lyon, de Michel Rismann, vice-président du tribunal de grande instance de Lyon, de Philippe Bilger l’ex-avocat général à la Cour d’assise de Paris, du célèbre avocat Thierry Lévy et du président de l’Observatoire international des prisons Antoine Lazarus. Après 25 ans derrière les barreaux, il est venu raconter.
Son parcours carcéral débute en 1984. Alors âgé de 18 ans, il prend dix ans pour le meurtre d’un skinhead qui, avec son groupe, s’était attaqué à lui et à sa compagne. Il connaît les cellules et les quartiers disciplinaires, le quotidien des séropositifs – dont il fait partie – en maison d’arrêt. De libérations en récidives, d’incarcérations en évasions, il sait tout des mécanismes qui conduisent à l’allongement des peines. En 2000, cet ancien braqueur lance un blog « pirate » qu’il tiendra pendant trois ans. Le livre qu’il publie à sa sortie, en 2010, a pour titre J’ai mis le feu à la prison.
La prison est-elle nécessaire ? C’est la question qui était posée ce jour-là aux différents intervenants. Il botte en touche, préférant rester concret : la prison, qu’est-ce que c’est ? « Qu’est-ce qu’une promenade, une cellule, une humiliation ? » « Vous arrivez en promenade et si vous avez une paire de baskets avec une petite marque, vous êtes mis à l’amende. Il faut taper tout de suite. C’est un milieu de violence pure. Je sais de quoi je parle, j’ai fait 19 ans de maison d’arrêt et 6 ans de maison centrale. » Les prisonniers doivent laisser leur nom à l’entrée, en échange d’un numéro. Laurent Jacqua n’a pas oublié le sien : 138496Q. « On s’en souvient toute sa vie. » Comme des séances d’humiliation au cours desquelles il se retrouvait nu, aux mains des matons qui lui « écartaient les fesses ». Ce type de comportements est pour lui un pousse-au-crime. « La société veut s’en protéger mais les gens finissent bien par sortir, quand ils ne se suicident pas, il y a un mort tous les trois jours. Sans parler de ceux qui se loupent, de ceux qui deviennent fous, de ceux qui sont en train d’y mourir comme des chiens. »
La gravité de certains meurtres justifierait tous les traitements. Il faudrait bien punir, sanctionner ces actes. Faire payer leurs auteurs. « On nous dit “Le crime, le crime, le crime”. Il y a des criminels, mais en proportion ils sont une minorité. La peine moyenne est de neuf ou dix mois en France. 86% des détenus font moins d’un an. » Et puis au fond, il s’interroge : « Répare-t-on une injustice par une autre injustice ? »



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