Le tabac, c’est tabou ?

Le tabac, c’est tabou ?

Lundi, le tabac a augmenté de 6%, les paquets sont désormais vendus 40 centimes plus cher. Cette hausse, justifiée pour des raisons sanitaires, dissimule d’autres réalités: accélération de la contrefaçon, organisation du trafic international, hausse des marges des industriels. Mais aussi baisse du pouvoir d’achat des catégories sociales les plus paupérisées.

Dans un contexte de crise économique, où le pouvoir d’achat est déclinant, voilà une donne nouvelle qui va coûter cher aux consommateurs quotidiens de tabac. À raison d’un paquet de cigarettes par jour, ils paieront la maudite somme de 2 500 euros par an (en moyenne), soit l’équivalent de près de 20% du budget d’un consommateur sans emploi. Pas anodin quand on sait que près de 52% des chômeurs hommes sont des fumeurs, contre seulement 38% des hommes exerçant une activité professionnelle. Côtés consommatrices, si la proportion est moins importante (respectivement 32% pour les femmes sans emploi contre 28% des travailleuses), la progression de la consommation de tabac est la plus importante, y compris chez les jeunes – ces deux catégories étant les plus paupérisées et les plus précaires de la société.

Côté pouvoirs publics et industriels du tabac, tout va pour le mieux, la nouvelle hausse de 6% du tabac tombe à pic. Pourquoi ? D’abord parce qu’elle permet d’engranger de nouvelles recettes fiscales, tout en faisant oeuvre de santé publique, et d’augmenter notablement le chiffre d’affaires des industriels et buralistes. On soigne l’argumentaire au plus haut sommet de l’Etat. Mais il y a un hic : nombre de scientifiques reconnaissent que l’augmentation sensible du prix du tabac ne permet pas de lutter efficacement contre le tabagisme. Par ailleurs, le coût social du tabac a été estimé dans un récent rapport du ministère du Travail, de l’Emploi et de la Santé à 47 milliards d’euros, dont 18 milliards pour les seules dépenses de santé. Sa consommation ne rapporte pourtant à l’Etat que 11 milliards de recettes fiscales. Le compte n’y est pas. Et les grands vainqueurs de ces hausses régulières du tabac restent les fabricants de cigarettes.

Les industriels s’organisent pour lutter contre la recrudescence de la contrefaçon, conséquence directe des augmentations à répétition des paquets de cigarettes. Pratiquée aux quatre coins du monde, dans les montagnes chinoises notamment, cette activité souterraine rapporterait plusieurs centaines de millions d’euros en France. Les paquets se vendent jusqu’à deux fois moins cher que chez le buraliste. « C’est un crime organisé », a-t-on pu entendre de la bouche d’un dirigeant de Philip Morris hier soir dans le JT de France 2. Ca « pose un problème de recettes fiscales qui échappent à l’Etat », ajouta-t-il. Comble. Originale ou contrefaite, la cigarette reste la première cause de mortalité évitable en France. Si crime il y a, il est globalement le fait des fabricants de tabac, qu’il s’agisse de la cigarette Philip Morris avec sa nicotine et ses additifs nocifs, ou bien de la cigarette contrefaite avec ses doses de ciments, de pneus ou même d’excréments animaux.

Commentaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *